En ouverture de la quarantième édition de Montpellier Danse, la danseuse Catherine Legrand recrée So Schnell, l’une des dernières œuvres de Dominique Bagouet. Épurée de tout son décorum rappelant les années 1990, la pièce dévoile l’écriture ciselée et caustique du chorégraphe disparu en 1992. Une soirée hommage nécessaire au devoir de mémoire !
En ce dimanche de la mi-septembre, le soleil brille timidement en terre d’Occitanie. Quelques nuages gris font craindre le pire. Jean-Paul Montanari et ses équipes veillent. Après avoir bravé la Covid, les intempéries n’auront pas le dernier mot. So Schnell 1990-2020 voit le jour, avec à peine 24 heures de retard, par une belle soirée d’été indien.
Un écrin de pierres
La nuit s’est abattue ténébreuse sur l’Agora montpelliéraine. Respectant les gestes barrières et la distanciation sociale, le public attend avec une impatience fébrile l’ouverture de Montpellier Danse, qui fête cette année ses quarante ans d’existence. Les bruits de la ville, quelques klaxons, quelques bruits de moteur, résonnent dans le silence. Fondu noir sur pierres éclairées par la lune, le spectacle peut commencer. Parfaitement sculptées par les lumières imaginées par Begoña Garcia Navas, deux danseuses prennent possession de la scène. Bras fendant l’air, pieds frappant le sol, elles déploient avec une précision d’orfèvre les gestes, les enchaînements écrits, il y a plus de 30 ans, par Dominique Bagouet.
Une sobre renaissance
Avec beaucoup de tendresse et un infini respect, la danseuse Catherine Legrand reprend mot pour mot So Schnell, pièce qu’elle a interprétée à sa création en 1990, pour l’ouverture du Corum-Opéra Berlioz. Revisitant costumes et scénographie, supprimant le superflu, l’accessoire, elle saisit l’essentiel de cette œuvre fortement autobiographique, son écriture spécifique, malicieuse, caustique. Puisant dans son histoire familiale, Dominique Bagouet s’appuie sur une musique singulière où s’entremêlent à la cantate BWV26 de Bach des enregistrements de machines industrielles de bonneterie. Élevé dans une famille de petits industriels du textile, ce son si répétitif, lui rappelle son enfance. Il s’en amuse, s’en sert de base pour cadencer les mouvements, rythmer la partition de ses danseurs.
Une œuvre fondatrice
Considérée comme une œuvre majeure de la danse contemporaine, So Schnell peut paraître un peu datée pour les néophytes tant la gestuelle a servi de référence, d’inspiration à de nombreux chorégraphes. Par l’humour déployé, par la sensibilité de Bagouet, son goût pour la dérision, la pièce révèle, dans l’épure de cette recréation, sa force vive, sa puissance inventive. Itérative, l’écriture moque le travail à la chaîne, s’amuse de l’air du temps, de la fièvre folle, frénétique emblématique des années 1990.
Jeu d’ombres et de lumières
Porté par les arias de Bach, le public se laisse séduire par l’interprétation des 12 danseurs, la scénographie lumière qui compartimente l’espace. A trop vouloir nettoyer l’œuvre originale de son emballage tape à l’œil des années 1990, Catherine Legrand signe une version qui perd en extravagance, ce qu’elle gagne en légèreté rigoureuse, en exactitude. Le pari est en tout cas gagné, l’écriture de Bagouet est parfaitement mise en valeur. Cette unique soirée lance gaiement Montpellier Danse entre nostalgie et renouveau réinventé.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé Spécial à Montpellier
So Schnell 1990-2020 de Dominique Bagouet recrée par Catherine Legrand
Montpellier Danse 40 bis
Agora
18 Rue Sainte-Ursule
34000 Montpellier
Le 20 septembre 2020
durée 1h environ
Tournée
du 3 au 5 décembre 2020 au Centre national de Danse de Pantin
Chorégraphie de Dominique Bagouet
Re-création et direction artistique de Catherine Legrand pour 12 interprètes
Assistant artistique – Dominique Jégou
Assistante à la transmission – Annabelle Pulcini
Avec Nuno Bizarro, Eve Bouchelot, Yann Cardin, Florence Casanave, Meritxell Checa Esteban, Elodie Cottet, Vincent Dupuy, Elise Ladoué, Théo Le Bruman, Louis Macqueron, Thierry Micouin, Annabelle Pulcini
Lumières de Begoña Garcia Navas
Costumes de Mélanie Clénet
Son de Thomas Poli
Musiques de Jean-Sébastien Bach et Laurent Gachet
Crédit photos © Caroline Ablain