Tiré du livre de Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham est un spectacle de salut public, qui élève notre conscience, la citoyenne comme l’humaine. Après l’arrêt brutal en mars des représentations, le Théâtre 14, le programme à nouveau, alors on y court.
Janvier 2020, c’est l’ouverture, après des mois de travaux, du Théâtre 14, avec une nouvelle direction, des modifications, fort réussites, de la salle et du hall d’accueil et une programmation audacieuse. En mars, le théâtre affiche le spectacle de Louise Vignaud, Le quai de Ouistreham. Les spectateurs affluent, toutes les places sont vendues pour toute la durée de l’exploitation. Et tout s’arrête, confinement oblige. Le spectacle est repris pour la réouverture. Mais la crise sanitaire a brisé l’élan des spectateurs. C’est dommage, car les gestes barrières sont suffisamment mis en place pour qu’une salle de théâtre soit plus sécurisante qu’un wagon de train. Mais il en est ainsi, c’est ce qu’on nomme les réalités de la vie !
Florence Aubenas, une écriture engagée
C’est justement de cela dont il question dans ce magnifique texte de Florence Aubenas, les réalités de la vie, celle des précaires, des invisibles, ceux qui doivent faire face à la crise. Si le texte a été écrit, il y a dix ans, il reste cruellement d’actualité. Et en l’état actuel des événements, on ne peut que se demander comment cela se passe pour eux aujourd’hui.
Se fondre dans la masse des précaires
Pour tenter de comprendre ce qu’est la crise, celle dont on entendait parler à tout bout de champ, la journaliste décide, en 2010, d’aller voir ça de plus prêt et de mener l’enquête. Rien de mieux qu’une immersion dans le quotidien de ceux qui subissent de plein fouet cette crise économique. Elle a choisi la région de Caen, ville moyenne apriori sans difficultés particulières et où elle n’a aucune attache. Elle, dont le visage a été durant des mois projeté partout lors de son enlèvement en Irak, va se fondre dans l’anonymat et devenir une femme sans qualification à la recherche d’un boulot. A Pôle Emploi, on lui propose le poste d’agent d’entretien. Elle va retrousser ses manches et durant cinq mois découvrir les conditions de travail et de vie de ces femmes qui portent souvent ces fameux gilets jaunes si voyant et que personne ne voit. « Tu deviens invisible quand tu es femme de ménage ». Le jour où l’on lui offre un CDI, elle arrête l’expérience et relate dans un roman son aventure. Son livre a été un succès.
L’adaptation sensible de Louise Vignaud
Le ton employé par Florence Aubenas étant celui du récit, il n’y avait qu’un pas à franchir pour le mettre en scène. La metteuse en scène Louise Vignaud et la comédienne Magali Bonat ont réalisé un travail formidable. La parole est au centre et elle nous est adressée directement. Il n’y a aucun pathos dans les propos comme dans l’interprétation. On est captivé. Nous sommes au cœur des situations, mais surtout au cœur des gens. Et ici, ces gens-là sont essentiellement des femmes, qui font ce qu’elles peuvent avec ce qu’elles ont, et souvent ce n’est pas grand chose. Aucun jugement n’est apposé, juste une réalité. La crise ayant pris une autre envergure qui pour le moment ne promet pas des lendemains qui chantent, lorsque l’on sort du théâtre, on regarde différemment le monde qui nous entoure. Cela sert aussi à cela le théâtre.
Marie-Céline Nivière
Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014 Paris
jusqu’au 03 octobre 2020
Relâches les 27 et 28 septembre 2020
les mardis, mercredis et vendredis à 20h , les jeudis à 19h et les samedis à 16h
Durée 1h05
Mise en scène de Louise Vignaud assistée de Amine Kidia
avec Magali Bonat et la voix de Louise Vignaud
Lumières et régie générale Nicolas Hénault et Julien Louisgrand
Crédit photos © DR