Des nouvelles de la Comédie et du studio des Champs-Elysées

Toute en élégance, le sourire aux lèvres, Stéphanie Fagadau dirige depuis 2011 la Comédie et le Studio des Champs-Elysées.

Toute en élégance, le sourire aux lèvres, Stéphanie Fagadau dirige depuis 2011 la Comédie et le Studio des Champs-Elysées. Succédant à son père Michel Fagadau, la jeune femme appartient à la lignée des artisans qui aiment « la belle ouvrage » et le travail d’équipe.

La comédie et le Studio des Champs-Elysées sont un héritage auquel votre père vous avait préparée ?

Stéphanie Fagadau : On a travaillé ensemble très vite. J’ai été son assistante sur sa première mise en scène de Colombe d’Anouilh, qu’il a montée en 1996. J’y avais également un petit rôle. J’ai été comédienne durant 10 années. J’ai appris le métier. Mon amour pour le théâtre m’a donnée envie de diriger un lieu. Alors, en 2006, mon père m’a cédé la direction artistique du Studio. J’étais jeune maman, je me posais des questions sur le métier de comédienne. Avec ce poste au Studio, je me suis rendue compte que je m’épanouissais. C’était l’endroit où j’aimais être, alors j’ai abandonné mon métier d’actrice pour me consacrer au Studio. J’adore chercher, trouver un bon projet. J’aime aussi le travail d’équipe qui permet la création d’un spectacle du début à la fin. La transmission avec mon père s’est faite sur 15 ans, en douceur. Même s’il y a eu de belles « engueulades » entre nous. Mais elles n’étaient en réalité que des conflits de génération, car nous avions le même amour du métier.

Comment choisissez-vous un projet ?
Comédie et studio des Champs-Elysées © Coldcreation - Wikmédia Commons

Stéphanie Fagadau : La première chose qui compte, c’est le texte. Il faut que j’aie un coup de cœur ! S’il n’y a pas ce que je considère comme une belle base, je ne pars pas. Le Studio ne se gère pas comme la Comédie. Le Studio a été construit par Louis Jouvet. Cette petite salle a été bâtie pour être un lieu de découverte, de création. On peut oser prendre des risques. La Comédie est une grande salle qu’il faut remplir. Mais même là, la priorité demeure le texte et il faut que j’aie un coup de cœur !

Vous évoquiez Jouvet, vos salles sont chargées du poids du passé, ce n’est pas trop lourd à porter ?

Stéphanie Fagadau : Bien sûr, ce lieu appartient à la grande histoire du théâtre et beaucoup de fantômes traînent dans les couloirs et les cintres ! Mon histoire avec ce théâtre est aussi et avant tout une histoire de sang ! J’ai tendance à regarder vers l’avenir, mais je me rends compte que l’histoire de ce théâtre demande d’avoir une certaine exigence artistique. J’essaye de continuer dans cette voie, qui était celle de mon père, en tentant de ne pas tomber dans le commercial. Il y a des choses qu’aujourd’hui l’on ne peut plus faire. Il faut que je trouve l’équilibre entre l’exigence artistique et donner envie au public de venir. Je suis toujours dans cet entre-deux. 

Comment gère-ton un tel navire ?

Stéphanie Fagadau : Nous avons deux salles, la Comédie de 600 places et le Studio de 230. Financièrement, diriger un théâtre, c’est avant tout conduire une entreprise, avec des salariés qui comptent sur toi. Nous sommes situés avenue Montaigne où le loyer est très lourd. Je suis une directrice indépendante, donc je ne peux pas me permettre de mettre en danger l’entreprise. Mon objectif est de garder le théâtre le plus longtemps possible. Mon rêve, s’ils en ont envie, serait de le passer à mes enfants. 

Comment avez-vous vécu le confinement et l’arrêt des spectacles ?

Stéphanie Fagadau : Cela a été d’une violence inouïe pour tout le monde. Quand on te dit tout d’un coup qu’il te faut fermer le soir même, que tu n’as que le temps de prendre tes affaires et t’en aller, c’est terrible. Ce théâtre, c’est comme ma maison, je m’y rends tous les jours. Il m’a manquée terriblement. J’ai eu l’impression d’avoir laissé une partie de moi en fermant la porte. Ce n’était pas la logique des choses qu’un tel lieu se retrouve fermé !

Et comment avez-vous géré ?

Stéphanie Fagadau : On a fait comme tout le monde, chômage partiel, etc… À la Comédie, nous avions Gaspard Proust, qui jouait alors à guichet fermé ! Avec son équipe de production, dirigée par Laurent Ruquier, nous avons regardé nos disponibilités. On a alors décidé de décaler le spectacle à la rentrée. Nous avons proposé aux spectateurs de reporter leurs places. Nous avons privilégié le système du report à celui du remboursement. Les gens ont bien suivi. Au début, ils ont bien réagi, en choisissant une date pour l’automne. Puis, plus le confinement avançait, moins ils étaient  certains. Donc, ils ont arrêté de choisir une nouvelle date, n’arrivant pas à se projeter dans l’avenir, mais ils n’ont pas demandé de remboursement. Ils attendent de savoir ce qu’ils vont faire. Au Studio, nous avions Marie s’infiltre qui marchait très bien et qui sera repris à la rentrée. La grande question que se posent tous les directeurs de théâtre est celle de savoir si le public sera, ou pas, au rendez-vous à la rentrée. Les réservations sont au point mort. On sait que cela va être une saison particulière, avec beaucoup de reprises. On va voir comment vont évoluer les choses. Normalement, à la rentrée, nous devions avoir une création, Inavouable d’Eric Assous avec Michel Leeb et Fanny Cottençon que nous repoussons en novembre. En mai, nous devions monter un spectacle Nous y voilà !, un récital de poèmes sur l’écologie par Philippe Torreton. On regarde avec les plannings des uns et des autres pour trouver quand il sera possible de le présenter. On va y arriver !

Le théâtre étant en crise depuis quelques années, on sait qu’une page se tourne et que nous sommes en recherche de solutions. Comment voyez-vous l’avenir ? 

Stéphanie Fagadau : Je pense qu’il faut retrouver l’exigence artistique. J’ai le sentiment que l’on tourne en rond sur l’évolution artistique. Certains spectateurs me disent regretter le temps des grandes troupes sur la scène de la Comédie, mais malheureusement financièrement, c’est devenu difficile à mettre en place. Il faut se demander ce que désirent les spectateurs, le monde a changé et leurs envies ont évoluées, il faut se poser les bonnes questions pour faire avancer le théâtre privé dans le plus bel avenir possible.

Entretien réalisé par Marie-Céline Nivière

Crédit photos © DR et © Coldcréation – Wikimédia Commons

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