Le déconfinement continue partout en France. Le monde de la culture se réveille d’un long sommeil. Au Théâtre des Célestins, l’heure est à l’annonce de saison et à l’ouverture des réservations. Pierre-Yves Lenoir, le codirecteur du lieu, nous raconte la saison à venir avec une certaine gourmandise. L’attente est grande, le programme est à la hauteur.
Comment le théâtre va -t-il rouvrir ?
Pierre-Yves Lenoir : Nous ouvrons le 22 septembre avec une pièce documentaire d’Elise Chatauret, Saint-Félix, enquête sur un hameau français, ce qui nous laisse un peu de temps pour voir venir. Nous espérons que d’ici là tout soit rentré dans l’ordre, que le virus ne sera plus un problème, notamment sur la circulation des artistes. En tout cas, les dernières analyses vont dans ce sens. Les frontières européennes rouvrent progressivement. Toutefois, si un deuxième épisode épidémique se présente, nous nous adapterons. Mais je reste assez optimiste. Sur l’accueil des différents spectacles que nous voulions présenter la saison prochaine, nous avons fait en sorte que cela soit possible. Nous avons un peu amendé le programme original, mais vraiment à la marge.
Avec Claudia (Stavisky) nous avons décidé de faire une présentation de saison, virtuelle ou physique, en septembre pour donner les dernières modifications que nous aurons apportées au cours de l’été à la programmation qui vient d’être annoncée. A l’heure actuelle, nous avons encore quelques incertitudes. Le spectacle d’Alexander Zeldin, Love, qui devrait être joué en novembre, risque d’être décalé en mars ou en avril, en raison des difficultés de circulation entre l’Angleterre et la France. En revanche, pas de difficulté particulière à ce stade pour le fascinant Outside du russe Kirill Serebrennikov. Nous préciserons également, en fonction de l’évolution de la pandémie, et des directives préfectorales, sur les conditions d’accueil du public dans le théâtre.
Y-a-t-il d’autres incertitudes ?
Pierre-Yves Lenoir : A priori non. Le spectacle que nous allons présenter en fin d’année, Fracasse, d’après le roman de Théophile Gauthier mis en scène par Jean-Christophe Hembert, ne sera finalement pas créé lors des Fêtes nocturnes du Château de Grignan, qui ont décidé de décaler d’un an leur programmation, mais devrait voir le jour finalement à l’Espace des Arts de Chalons-sur-Saône, fin octobre. Du coup, malgré ces réarrangements d’agenda, nous pourrons l’accueillir en décembre sans problème.
Y aura-t-il une création de Claudia Stavisky cette année ?
Pierre-Yves Lenoir : Ce n’est pas prévu. Par contre, nous reprenons début octobre, La vie de Galilée de Bertolt Brecht, qui partira ensuite pour une longue tournée qui se poursuivra jusqu’à mi-janvier. Soit un peu moins de 50 dates. Claudia devrait présenter à la rentrée 21 un nouveau spectacle.
Qu’en est il des spectacles qui ont été annulés suite au confinement ?
Pierre-Yves Lenoir : Nous en reprenons certains. Merci la nuit de Raphaël Dufour, dont la première a eu lieu trois jours avant la fermeture du théâtre mi-mars, a trouvé un créneau au printemps 2021 à la Célestine, notre petite salle. Le Bourgeois Gentilhomme de Molière que l’on devait présenter au Radiant à Caluire-et-Cuire en mai, devrait être joué pendant les fêtes de fin d’année. Les discussions sont en cours avec la compagnie. Quant à notre création Bug de Tracy Letts, mise en scène par Emmanuel Daumas, avec notamment Audrey Fleurot, qui n’a pu jouer que deux fois, on espère pouvoir le présenter à nouveau en 2021/2022. Le calendrier des différents comédiens était déjà particulièrement rempli toute la saison prochaine.
Est-ce que des résidences sont prévues avant septembre dans vos locaux ?
Pierre-Yves Lenoir : Pour l’instant, peu. Nous avions prévu de faire quelques travaux dans la grande salle, notamment sur le pilotage automatique du cintre. Ils seront terminés fin septembre pour la réouverture. Quant à la Célestine, elle devrait être investie pour une période de répétitions par notre nouvel artiste associé, Francois Hien, auteur d’Olivier Masson doit-il mourrir ?, que nous avions programmé l’an dernier. Après le beau succès de ce spectacle, qui sera présenté au TGP à Saint-Denis l’an prochain, François prépare un autre spectacle avec sa compagnie l’Harmonie communale, qui sera créé à la rentrée 2021.
Est ce que, le confinement et sa suite logique le déconfinement, a modifié votre vision du théâtre ?
Pierre-Yves Lenoir : Je crois que cela nous a surtout appris à travailler à distance : nous avons constaté qu’ilétait possible d’avancer sur nos différents projets avec la même célérité que lorsque nous sommes physiquement au théâtre. Bien sûr, il y a des limites au télétravail, notamment pour les équipes techniques, qui ne peuvent pas travailler si elles ne sont pas dans les locaux. Nous avons beaucoup échangé, dialogué, entre nous et avec les artistes. Et comme tous, nous avons passé beaucoup de temps et d’énergie à imaginer pléthore de scénarii en fonction des évolutions possibles de la pandémie et des réglementations sanitaires. En lien avec notre tutelle, la ville de Lyon, nous avons très vite pris la décision d’honorer nos engagements auprès des artistes et du public. Nous ne sommes pas subventionnés pour être fermés. Il était donc clair nous rouvririons les portes dès que cela serait possible. En effet, il est important pour nous de remettre la machine en marche au plus tôt, les spectacles en route, pour ne pas fragiliser les productions et les compagnies. Nous avons donc beaucoup échangé avec les artistes qui créent à la rentrée, que ce soit Jean-Christophe Hembert, ou Ambre Kahan qui adapte Ivres d’Ivan Viripaev, avec quatorze comédiens au plateau. C’est sa première grande mise en scène, il est de notre rôle de la soutenir et l’accompagner, surtout en ces temps difficiles pour les artistes. Le spectacle sera co-produit par le Quai d’Angers. La pièce y sera répétée, puis créée en novembre aux Célestins et reprise plus tard par l’équipe de Thomas Jolly. Nous avons tout mis en place de notre côté pour donner aux créations les meilleures conditions possibles
Quelles sont les actions futures des Célestins vers les différents publics ?
Pierre-Yves Lenoir : Bien évidemment, nous n’avons pas attendu les recommandations de nos gouvernants, pour mettre en place des actions de médiation culturelle. Depuis longtemps, les Célestins travaillent avec l’Education Nationale. Nous devions par exemple fin mars présenter la restitution de notre programme Ô parleurs, l’un de ces chantiers « apprenant et culturel » que nous avons mis en place avec les lycéens. Créé, il y a deux ans autour de l’art de la joute oratoire et du débat citoyen, ce programme est reconduit l’an prochain. Toutefois, la saison prochaine, nous accentuerons nos actions en direction des collégiens. La saison que nous avons construite pour 2020-2021 comporte un volet famille. Tout au long de la saison et, nouveauté, duranttoutes les vacances scolaires, des spectacles tout public seront présentés. C’est le cas de Cyrano de Bergerac, de Fracasse, de Dimanche des compagnies belges Focus et Chaliwaté, ou d’Arlequin poli par l’amour de Marivaux, mis en scène par Thomas Jolly. En parallèle, nous allons mettre en place une résidence de création dans des collèges du secteur. François Hien sera l’auteur de la pièce et Yann Lheureux le metteur en scène. La thématique choisie est celle du harcèlement à l’école.
Combien de créations l’an prochain ?
Pierre-Yves Lenoir : En dehors de celle d’Ambre Kahan, quatre. Suite au Prix Celest’1 que nous avons lancé l’an dernier, nous accompagnons cette saison plusieurs compagnies de la région ARA : trois créations verront ainsi le jour en Célestine, dont celle du lauréat, ANA, mis en scène par Laurent Ziserman. En ce qui concerne la seconde édition du Prix, qui devait avoir lieu en juin, nous l’avons décalée à la mi-septembre.
Vous présentez la saison le 4 juin et ouvrez à la vente dans la foulée. Comment cela se passe-t-il ?
Pierre-Yves Lenoir : Cette année, nous ne pouvons pas faire de présentation physique. Nous avons donc produit des teasers thématiques qui permettent de découvrir la plupart des spectacles que nous allons présenter. En parallèle, nous avons créé une brochure interactive consultable sur le site. A chaque spectacle,est associé un contenu multimédia comprenant l’interview du ou de la metteur.e en scène, celle de l’auteur.rice, et éventuellement une bande-annonce. Comme nous ne connaissons pas encore la jauge réelleque nous pourrons réellement proposer en septembre, nous avons décidé de mettre en vente environ deux cents contremarques à nos abonnés par représentation, échangeables en septembre contre des places numérotées. Cela va nous permettre de jauger d’ores et déjà l’envie du public de revenir au théâtre. Ce sera un premier indicatif sur la tendance à venir.
Avez-vous eu des retours du public pendant le confinement ?
Pierre-Yves Lenoir : De nombreux, en effet. Nous avons eu des messages chaleureux des spectateurs. Ils ont répondu présents. Ils nous ont dit avoir hâte de retrouver le chemin du théâtre, de partager, d’échanger. C’est très encourageant. Maintenant, nous attendons avec impatience !
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Crédit photos © Cédric Rouillat, © Christophe Raynaud de Lage, © DR, © Ronan Siri et © Nicolas Joubard