Les réflexions confinées d’un Bâtard doré

Le temps de cette crise sanitaire où tout est l'arrêt, Jules Sagot du collectif des Bâtards dorés interroge leur dernière création et leur avenir.

Le confinement est l’occasion pour nous tous de faire un bilan. De ce point de vue cet arrêt soudain semble bénéfique. Suite à notre dernière création nous avons besoin de ré-interroger notre fonctionnement. 

Cela fait 7 ans que le collectif existe. Nous avons chacun beaucoup évolué, nos envies se sont affirmées, plus ou moins loin du théâtre. Nos disparités s’accentuent à mesure que la vie avance. Nous sommes également plus conscients de la préciosité de ce que nous avons réussi à créer ensemble. Le lien artistique qui nous unit est contraint à une grande élasticité. Il est donc à réviser en permanence afin d’éviter qu’il ne rompe. Ça demande de la vigilance. Et en ce moment, chacun confiné dans nos sémaphores respectifs, nous regardons « notre Bâtard doré », ce territoire hybride, cette jolie chimère si gourmande, nourrie de nos rêves. Elle est alanguie en contrebas de nos solitudes et se repose, gardiennée par notre amitié qui la veille. 

Notre dernière création, « 100 millions qui tombent » inspirée de l’œuvre du même nom de Georges Feydeau, que nous avons créée à Toulouse n’est toujours pas trouvée. Le Coronavirus est passé par là et il est possible que « 100 millions qui tombent» en reste là. Ne dépasse pas l’état de promesse. Nos spectacles se trouvent à force de représentations. Sans doute à cause de notre fonctionnement, nous ne sommes jamais parvenus à « trouver » un spectacle dès la première. Dans ce groupe sans chef, nous avons en tout cas un désir commun, celui de faire du moment que nous offrons un moment de transe, une expérience sensorielle, quelque chose de l’ordre du sacré. Ce n’est que durant les représentations que se révèlent les évidences et les égarements. Ce serait un coup dur si 100 millions s’arrêtait là. Jusqu’ici, grâce à la chance que permet l’envie, nous avons toujours réussi à amener nos créations à un endroit avoisinant notre exigence initiale. 

Pour cette dernière création, il suffirait de peu. Discipliner le vacarme de nos huit voix pour en faire une musique plus audible. Nous ne sommes pas loin. On le sent. Il y a cela d’étrange dans le groupe, malgré nos différences, tout le monde semble observé par la même intuition quant à la destination. « Le spectacle doit arriver ici ». Une boussole commune, contrariée par la navigation de ce bateau aux huit gouvernails. L’aiguille s’affole dans la tornade de nos vents contraires mais en revient toujours au même cap. Laisser le spectacle en eaux troubles aurait l’arrière-gout d’échec. Une sensation Tantalienne. Une promesse se refusant à quelques encablures. Donc on réfléchit. 

Comment faire ? Les théâtres, comme le reste de la société, ne peuvent rien prévoir et s’engagent donc avec difficultés. Qui plus est vis-à-vis de nous qui constituons une prise de risque pour les programmateurs. Le collectif n’est pas qu’une utopie théâtrale, c’est aussi une entreprise. Ce faisant, l’austérité économique à laquelle nous contraint la situation, alimente aussi nos discussions. Et bien sûr, l’avenir. 

Comment repartir ? Sans argent à priori. Avec peu en tout cas. C’est la partie excitante, celle faite d’incertitudes que nous aimons tant. L’envie préside en maître. Place nette propice à la gestation d’une mue.

Jules Sagot des Bâtards Dorés

100 million qui tombent de Georges Feydeau

Crédit photos © Jules Sagot

1 Comment

  1. Ne vous découragez pas .
    J’ai votre spectacle à Chelles j’ai adoré . Il faut absolument faire partager votre spectacle à d’autres.
    Les choses vont s’arranger,cela sera long mais ne baissez pas les bras.
    Un phrase ne revient comme une évidence  » ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »( Nietzsche)
    Prenez soin de vous.

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