L’art confiné est-il vivant ?

En pleine introspection sur son art, Delphine Grandsart livre ses réflexions dans Regard(s).

Depuis le confinement, nombre d’artistes proposent sur la toile des concerts confinés, et certains théâtres permettent de participer à « des  expériences virtuelles ».

Nous vivons en quelque sorte, avec ce confinement, l’expérience de la « culture virtuelle du spectacle vivant» et personnellement je trouve cela totalement absurde voire dangereux…
Notre dépendance au virtuel n’est plus à prouver.
 Alors proposer « cette culture » n’est-ce pas faire le jeu de ce progrès technologique qui broie les vraies relations humaines, celles de la convivialité et de la fraternité et qui nous rend prisonnier d’un système où l’humain tend à disparaitre ?

Le spectacle vivant doit le rester et surtout a besoin d’un public pour exister.
Or ces expériences sensorielles sont déshumanisées par la distance qu’imposent nos ordinateurs et autres portables ou tablettes, sans autre toucher que celui du clavier et sans autre regard que celui de l’écran.
Dans le virtuel, nos corps restent passifs et les sensations et émotions provoquées par l’ « image-écran » ne remplaceront jamais celles ressenties au contact du vivant.
Le sujet face à l’écran n’est plus « actif » en quelque sorte. 

La force du spectacle vivant est de réunir dans un même espace, des êtres qui vont partager à un moment donné une expérience collective. Ils ne peuvent pas « zapper », ils s’autorisent un vrai temps de réflexion ou de détente qu’ils ne se permettent pas toujours dans leur quotidien et rarement derrière un écran où la tentation de « naviguer » est grande, où l’homme, qui ne s’exprime souvent plus que par des émoticônes, devient froid comme le métal de son ordinateur.
C’est tout le paradoxe pour moi de ce confinement, il isole et en même temps il voit émerger des nouvelles tentatives de partager ce qui par définition ne peut pas l’être puisqu’il n’y a rien de vivant sur la toile.

Avec cette « virtualisation » à laquelle il est difficile d’échapper aujourd’hui, le spectacle vivant ne reste-t-il pas un des derniers endroits où le vivre ensemble est possible ?
Celui qui nous autorise à faire une pause dans ce monde qui va trop vite ; celui qui nous permet de réfléchir sur l’absurdité de cette époque qui fait de nous les esclaves consentants d’un système où la technologie finira par avoir un contrôle total sur nos vies mettant en péril nos libertés individuelles.

Le progrès technologique s’il est, par certains côtés, un outil formidable, nous condamne de plus en plus à devenir des robots, des numéros, consommateurs compulsifs.  Il justifie nos désirs que nous faisons passer pour des besoins.
Or, avons-nous vraiment besoin en ce moment, nous, artistes, qui aimons la scène de nous produire sur la toile ?
Il n’est pas toujours bon de s’adapter à certaine situation.
Jouer ou chanter dans la solitude de son salon renvoie à l’image mortifère d’un monde confiné à jamais où le spectacle vivant n’existera plus.

Delphine Grandsart, metteuse en scène et Comédienne

Louise Weber dite La Goulue de Delphine Gustau – Reprise normalement en juin à l’Essaïon.

Crédit portrait © Philippe Beheydt

1 Comment

  1. IL y a effectivement « l’art dans le confinement », façon Lady Gaga et il y a « l’art confiné » façon Antoine Le Moal .
    https://www.youtube.com/watch?v=6wVVOILTD7w&feature=emb_logo

    Le Festival des Arts Confinés est le 1er Festival artistique en France à s’intéresser aux créations confinées inédites depuis le 16 mars 2020
    Chaque jour, à partir de 19H sur https://agora-off.com/category/festival-des-arts-confines

    Arnaud NANO Méthivier, curateur du Festival des Arts confinés, 1er festival

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