La rébellion d’une femme sans histoires

Pensé pour le théâtre, le récit de Nina Bouraoui est une plongée au coeur des vicissitudes d'une femme normale.

Dans un monde, reflet de notre société égocentrée et presque déshumanisée, Nina Bouraoui conte avec lucidité la révolte d’une femme normale. Le récit cru et réaliste d’une vie sans joie. 

La violence anodine du quotidien, 
celle du silence, 
de tout ce que l’on ne dit pas, 
que l’on ne sait pas formuler, 
que l’on garde au fond de soi pour l’étouffer, ne pas avoir à le gérer – 
comme si, alors, cela n’existait pas.
La violence que l’on croit mériter parce qu’on l’a provoquée peut-être –
la violence de la confiance trahie,
celle de l’humiliation.
La violence du consentement perpétuel à toutes ces violences qui semblent aller de soi –
les fissures que cela crée, en soi,
les gouffres que ça creuse et les murs que ça dresse.

Sylvie Meyer a 53 ans, elle travaille à la Cagex, une entreprise de caoutchouc : elle y dirige la section des ajustements du personnel. Son patron lui témoigne une confiance absolue et la charge, elle qui est si indispensable à la boîte, de missions de plus en plus difficiles à accomplir humainement parlant. 

Sylvie Meyer est une femme normale : deux fils, un mari qui vient de partir sans explication – mais sans que ça l’étonne pour autant. 
Sylvie Meyer est une femme normale qui, à force de consentement à la violence de tous ces petits mots et petits gestes qui vous apprennent quotidiennement à rester à votre place, voit sa vie se délier, se détruire complètement.

Un jour, pour se venger, elle éprouve le besoin d’ôter à son patron sa liberté : elle le prend en otage pour la nuit – juste question d’éprouver elle-même un certain sentiment de liberté. 

Ce n’est pas vraiment l’histoire d’une prise d’otage. 
La prise d’otage y est presque anecdotique. 
Il s’agit surtout de l’avant, et de l’après : qu’est qui nous mène jusque-là, et qu’est-ce qu’on fait de soi, après ?
Car enfin, Sylvie Meyer est avant tout otage d’elle-même – c’est elle qu’il s’agit de libérer.

Le récit de Sylvie Meyer est, à la base, pensé pour le théâtre – la pièce a été créée à la Comédie de Valence par Richard Brunel, avec dans le rôle principal Anne Benoît
Nina Bouraoui en a repris l’écriture pour l’augmenter afin qu’il puisse être publié sous forme de roman.
Comme d’habitude, l’autrice est précise, claire et limpide dans l’expression de son propos et des sentiments qu’il exacerbe. 
Ce récit se lit d’une traite et donne envie d’être relu, encore, pour toutes ces phrases qui résonnent tant elles semblent écrites pour nous.

Catherine Verlaguet

Otage De Nina Bouraoui _ Prix Anaïs Nin 2020- Editions JC Lattès.

Crédit portrait © francesca Mantovani

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