Depuis le 22 avril dernier, les réseaux sociaux des comédiens s’agitent, s’affolent et s’amusent. Le comédien et metteur en scène, Nicolas Briançon, a mis en place un petit jeu entre amis sur Facebook. La règle est simple : trois auteurs imposés, et pas n’importe lesquels, Racine, Corneille, Molière, choisir dans leurs textes un extrait d’une à deux minutes sans considération de styles (vers ou prose), ou de genre. Alors faites tourner !
Et ça a bien tourné ! Car à cette date du 27 avril, plus de 70 comédiens ont répondu présents ! Et ce chiffre ne tient compte que de ceux déjà mis en ligne. Il en a encore plein en attente. Tous les jours il reçoit des vidéos de « tous les côtés ». Avec les moyens du bord, son ordinateur, il reprend, formate tous ces petits bijoux pour nous les présenter. « C’est du boulot ! Un vrai travail à plein temps ! », explique-t-il dans ce grand éclat de rire qui le caractérise si bien.
Nicolas Briançon, on l’aime, bien sûr pour son talent, mais aussi pour son enthousiasme, sa générosité, sa joie communicative, sa gourmandise de la vie et du théâtre. Il a vu sur les réseaux ce que les musiciens, danseurs faisaient collectivement en réaction au confinement. Alors il a réfléchi sur comment le faire avec les acteurs. Ce sont nos voisins les Anglais qui l’ont inspiré avec leur « Time to act », où l’on voit entre autres Brian Cox, Dame Judi Dench, Jude Law, dire un passage de Shakespeare.
D’où l’idée de ces petites pastilles, autour de nos trois grands auteurs de théâtre. « Pour avoir le plaisir de réentendre cette langue-là ! ». Les comédiennes et comédiens ont toute liberté dans leur choix de l’auteur et de l’interprétation. « Envahir le net et les réseaux par Racine, Corneille et Molière…C’est assez réjouissant je trouve… ». Et le public est au rendez-vous, le premier poste à dépasser en 24h les 1000 vues.
Pour le moment, le grand vainqueur semble être Molière ! Ils sont peu nombreux à avoir fait le choix des vers raciniens ou cornéliens. Certains osent même s’approprier des rôles que personne n’aurait l’idée de leur proposer. Comme il n’y a aucune restriction dans le choix, on peut entendre un même texte.
Et c’est là que l’on redécouvre toute la richesse de l’interprétation. Un Cid, un Dom Juan ne se ressemblent jamais même si les mêmes mots sont dits. On se régale à les écouter. Pour ne faire aucun jaloux, je ne citerai qu’Anne Charrier, car elle a été la première, mais je vous assure qu’ils sont tous bons, surprenants, émouvants, drôles et créatifs.
Nicolas Briançon se délecte du plaisir que tous ont à faire cet exercice. Au début, il avait contacté les camarades et les artistes avec qui il avait travaillé ou qu’il avait côtoyé. Mais depuis « cela arrive de tous les côtés. Même la Comédie-Française nous rejoint ! ». Ainsi va se créer « une petite mémoire », une bibliothèque théâtrale. Car, « notre métier va beaucoup souffrir. On va être les derniers à rouvrir, on le sait. Comment va-t-on faire, après le confinement ? C’est le moment de réfléchir ensemble sur la manière dont nous allons négocier ce tournant. » L’aventure de #àvousdejour aura montré que les gens du théâtre étaient reliés par l’amour de leur art et qu’ils peuvent faire des choses ensemble.
Devant le succès de l’opération, Nicolas Briançon a dû ouvrir sur Youtube® une chaîne intitulé #àvousdejouer, un compte Instagram (avous.dejouer) et continue à poster quelques vidéos sur Facebook. Et si le projet génère de l’argent, tout sera reversé à www.soutenir.fondationhaphp.fr/coronavirus. En tout cas, cette initiative réjouissante, fait un bien fou, et nous rappelle combien le théâtre, les comédiennes et comédiens nous sont utiles.
Marie-Céline Nivière
A vous de jouer sur une idée de Nicolas Briançon
Crédit photos © Shoky van der Horst