Dans le cadre du Festival Paroles Citoyennes, David Bobée présente, à Bobino, Viril avec un trio féministe de choc. Construit comme un concert rock-électro, cet uppercut théâtral, au lendemain de la tribune de Virginie Despentes dans Libé, fait salle comble et rappelle, malgré la violence, malgré les excès, la crudité des mots, que certaines colères sont salutaires face à la haine.
Bien que tranquille et calme le lundi, la rue de la Gaîté, à deux pas de la tour Montparnasse, est en pleine effervescence, ce soir du 2 mars 2020. Après un week-end particulièrement tendu, suite au palmarès controversé des césars, la présence sur scène de Virginie Despentes, la romancière engagée, et particulièrement remontée, est un évènement à ne pas rater. Accompagnée de la comédienne Béatrice Dalle et de l’artiste rap Casey, elle donne vie à une série de textes, de brûlots féministes, antiracistes et pro-homosexuels.
Un show assourdissant
Musique tonitruante jouée en direct par le groupe post-rock lyonnais Zëro, scénographie efficace s’appuyant sur un jeu de projecteurs qui diffuse une lumière passant de tamisée à aveuglante, rien n’est laissé au hasard pour faire monter l’électricité ambiante. La tension est palpable. Une silhouette, reconnaissable entre mille, sort de l’ombre. Voix rauque, hurlante, Béatrice Dalle entonne tel un mantra furieux, les mots du manifeste féministe de Despentes, King Kong Theorie. Telle une rafale de balles tirée avec une précision confondante, le texte déchiquète sans aucune concession les derniers remparts du sexisme, du patriarcat qui dominent encore et toujours notre société occidentale.
Rock et rap
La scansion des syllabes est parfaitement rythmée. Elle sonne comme du rap. Le ton est sans appel. Il semble directement sortir de ses entrailles. S’emparant des plumes acérées, acides, lesbiennes, rugueuses, mais aussi tendres, de Casey, d’Itziar Ziga, de Paul B. Preciado, de Zoé Léonard, de Monique Wittig, de Valerie Solanas, de June Jordan, d’Audre Lordeet de Leslie Feinberg, nos trois guerrières, chacune à leur manière, en font résonner la crudité, la brutalité, la bestialité.
La colère contre la haine
Le temps n’est plus aux beaux discours, aux grandes théories, mais au combat, à la lutte verbale. L’homme est brocardé parfois à l’excès, mais la complaisance n’est plus de mise. Face à l’iniquité, les femmes prennent les armes. L’extrait du Scum Manifesto,écrit dans les années 1970 par Valérie Solanas, égérie un temps de la Factory de Wahrol, est d’une violence inouïe. Mais pour ses pourfendeuses gouailleuses, rageuses, il faut en dépasser le sens premier, y entendre la colère, l’indignation qui s’y cache, pour dénoncer le sexisme, le racisme et l’hétéronormativité ambiante toujours de règles.
Un show puissant
Orchestré admirablement par David Bobée, ce ballet des corps, des mots, touche dans le mille. Chaque texte, choisi avec soin, reçoit sa salve d’applaudissements, de sifflements encourageants. Viril est une grand-messe libératrice, une claque fondamentale autant qu’outrancière. Emporté par la verve explosive de nos trois combattantes, le public, surtout féminin, entre en transe. Ce lundi soir, le message est passé, la lutte ne fait que commencer.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Viril de David Bobée
Bobino
14-20 Rue de la Gaité
75014 Paris
Le 2 mars 2020
Durée 1h30
En tournée
Le 4 mars au POC d’Alfortville (Val-de-Marne)
Le 27 mars au Téat plein air la Réunion
Du 12 au 16 mai au CDN de Normandie-Rouen.
Mise en scène David Bobée assisté de Sophie Colleu
Avec Casey, Béatrice Dalle, Virginie Despentes, Eric Aldea, Ivan Chiossone et Franck Laurino
Création lumière de Stéphane Babi Aubert
Sonorisation de Wilfrid Simean
Crédit photos © Gilles Vidal