1 jour de confinement,
Tout va bien.
2 jours,
Tout va bien.
5 jours,
Tout va bien mais il faut maintenant s’occuper.
1 semaine,
Ça va. Faut continuer à s’occuper, s’occuper l’esprit sans s’abrutir.v
2 semaines,
Apparait alors une peur étrange.
Pas celle du Covid, qui lui continue sa percée incontrôlable.
Mais du retour à la vie.
Cet essentiel, qui est le mien, qui est celui de beaucoup d’autres aussi, pour qui j’ai consacré 20 ans de ma vie, ce plateau habité d’acteurs, ces textes qui prennent vie m’ont été enlevés pour une durée indéterminée.
Alors arrive le constat de cette mise à nu, du retour à une vie qui n’est rythmée que par ces informations anxiogènes.
Je ne ressens pas le manque.
Le manque des auteurs, de la mise en lumière, le manque du stress, le manque du « pourquoi je fais ce métier ? ».
Mais ce manque me manque. Il me rassurerait. Me donnerait un objectif pour l’après.
Je viens de relire ce que je viens d’écrire. Tout cela me paraît futile, absurde.
Quand je pense à toutes ces personnes qui se battent contre cet ennemi, qui prennent des risques, je me sens ridicule.
Qu’en est-il des réfugiés au fait ? Ces ombres qui ont fait l’actualité pendant des mois, qui ont fait ressurgir les pires réactions, une haine inexpliquée, nauséabonde, que deviennent-ils ? Ils n’ont surement pas arrêté de venir trouver une autre terre, un avenir meilleur. Que se passe-t-il pour eux ? Le Covid les accueillera aussi. Eux qui n’ont pas de repaires, pas même la langue, que deviennent-ils ? Ma curiosité vient de me pousser à faire la ??recherche, et voici que je tombe sur ce qui a été décidé à Calais : « l’État réfléchit à un protocole autour de la prise en charge des migrants, atteints par le coronavirus, dont leur état ne nécessite pas d’hospitalisation. Si les tests s’avèrent négatifs, l’exilé sera invité à repartir « chez lui ». » Dans la rue, donc…
Bravo! Je dis Bravo ! Monde de merde !
Me vient une envie c’est de quitter ce confinement et de retrouver mes amis calaisiens, pour leurs dire qu’ils ne sont pas seuls… Mais je ne peux pas… Putain de sentiment d’inutilité. Encore.
Ce Covid qui devrait nous rapprocher, de toute part, sans différence de pays, de couleur, de langue, de sexe, n’est pas assez fort face à la bêtise humaine.
Mon chien se prélasse sur le canapé. Il est paisible. J’aimerais ressentir cela encore un peu. Et alors j’ai envie de lui dire que ses congénères sont aussi victimes du Covid, pas directement, mais victimes de cette même bêtise encore qui pousse certains à abandonner leur fidèle compagnon, de peur qu’il ne soit contagieux…. Un air de départ en vacances d’été, et de ces aires d’autoroutes… Sans le Covid ils auraient eu encore quelques mois de répit, bien au chaud…
Tant d’autres choses à constater, à dire, mais je ne suis qu’un parmi tant d’autres qui soulèveront des choses encore plus improbables, importantes, essentielles, tandis que je continuerai à me désintoxiquer de l’envie de création….
Certains disent que beaucoup de belles choses vont ressortir de tout ça… Vraiment ? Le beau peut apparaître après tout ça ? Je doute. Si les attaques terroristes, les autres épidémies qui ont fait tant de morts (VIH, Ebola…), les « plus jamais ça » si nombreux, n’ont pas réussi à nous rendre définitivement meilleurs, nous relançant automatiquement dans cette course effrénée, dans l’oubli, alors peut-être que cet infiniment petit qui nous touche aujourd’hui réussira ce miracle tant espéré… Pourquoi pas…
Grégory Barco, metteur en scène et comédien
Adriana d’Amin Maalouf
Louise de Grégory Barco
Noce de Jean-Luc Lagarce
Le vol de Sonia Nemirovsky
Crédit photos © Eve Herszfeld et Lot PAT