Avec Mon Isménie, le très sérieux et non moins potache Daniel Mesguich retrouve, au Poche-Montparnasse, toute la folie qu’il avait mise pour son spectacle Boulevard du boulevard.
Dans cette pièce, Labiche, un des rois du vaudeville, narre d’une manière désopilante les déboires d’un père trop possessif qui ne veut pas marier sa fille unique. Or la demoiselle, qui a déjà 24 ans, ne rêve que d’une chose, convoler dans une belle et virginale robe blanche. Mais à chaque fois qu’un nouveau soupirant se pointe, que les délices de l’amour sont à portée de mains, son adorable géniteur le chasse. Heureusement que Tante Galathée est là pour mettre le holà à tout ça. En bon chaperon, elle veille à ce que le dernier prétendant soit le bon.
Du boulevard ciselé
Chez Labiche, le rire souligne les défauts de ces drôles d’animaux qui peuplent la planète que l’on nomme les êtres humains. Et ici, ils n’en manquent pas. Le père est un égoïste qui manie la mauvaise foi avec dextérité. Il incarne à merveille le bourgeois terrien qui veut conserver ses biens. Et le plus précieux est son Isménie. Et il aime l’argent et sa sœur Galathée sans descendance en a à foison. Quant au prétendu futur époux, c’est un bourgeois de la ville très intéressé par la dot. Arbitré par une vieille fille, ce combat entre le rat des champs et le rat des villes est des plus savoureux.
Mesguich des grands jours
Daniel Mesguich s‘amuse avec les règles du boulevard et les effets comiques de ce genre théâtral. Pas de décor, tout se passe dans cette boîte noire qu’est la scène. A notre imaginaire et aux comédiens de se débrouiller avec ce vide. C’est une excellente idée, car elle permet de faire le focus sur les personnages. Nous sommes au théâtre et tout est permis. Les seules pointes de couleur sont les robes, rouge pour tante Galathée, rose pour Isménie. Mesguich aime les gags à la Monty Python, à la Marx Brothers et pour notre grand plaisir ne s’en prive pas dans son spectacle.
Un quintet déluré
Tel un bœuf, soufflant, piétinant, trépignant, ruant dans les brancards, Frédéric Souterelle prête avec un certain bonheur sa carrure trapue et rurale au père exclusif et étouffant. Forçant le trait juste comme il faut, s’amusant avec les codes qui siéent normalement au jeune premier, William Mesguich (en alternance avec Guano) est impayable. En vieille fille pas du tout acariâtre, Sophie Forte est formidable. Tout comme l’est la délicieuse Alice Eulry qui manie la grimace aussi bien que le charme. Mais celui à qui va toute notre admiration est Frédéric Cuif qui en se glissant dans la peau de la bonne qui rêve de devenir Rosière du village nous a enchantés. Dans ce rôle travesti, il est à lui tout seul Robert Hirsh, Claude Vega, Pierre Repp et Paul Préboist. Laissez-vous transporter par ce spectacle où le rire est convoqué à tout moment.
Marie Céline Nivière
Mon Isménie d’Eugène Labiche
Théâtre du Poche-Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
À partir du 14 janvier 2020
Du mardi au samedi à 21h, et le dimanche À 17h30
Durée 1h20
Mise en scène de Daniel Mesguich
Airs et illustration sonore d’Hervé Devolder
Costumes de Corinne Rossi
Scénographie de Stéphanie Vareillaud
Avec Frédéric Cuif, Alice Eulry, Sophie Forte, Guano et Frédéric Souterelle
Crédit photos © Pascal Gély