Le metteur en scène Ladislas Chollat se frotte au Système Ribadier de Feydeau et signe une adaptation délurée et folle qui fait la part belle aux femmes. Porté par une troupe de joyeux lurons, ce vaudeville vaut tout particulièrement pour la présence lumineuse de l’excellente Valérie Karsenti. A mourir de rire !
Dans un décor en noir et blanc, Dame Angèle Ribadier (divine Valérie Karsenti), échaudée par un premier mari volage, suspecte Eugène, son nouveau conjoint d’infidélité chronique (épatant et candide Pierre François Martin-Laval). Elle épie le moindre de ses gestes, le poursuit dans les réunions de son cercle exclusivement masculin, fouille ses poches et lit son courrier. Jamais elle ne s’arrête, toujours le doute, jamais de certitudes. L’inquisition est permanente. En un mot, c’est l’enfer.
Fredaines et hypnose
N’en pouvant plus de ces Jérémiades, le bon Eugène a trouvé une parade pour être au-dessus de tout soupçon : l’hypnose. La nuit tombée pour rejoindre sa maîtresse, il endort sa méfiante épouse d’un sommeil lourd et profond dont il a le secret. Malheureusement, la mécanique s’enraye. Aristide Thommereux (déroutant Patrick Chesnais), vieil ami de la famille, revenu, il y a peu, de Batavia, où il s’était exilé pour ne pas céder à sa folle passion pour Angèle, rêve de la (re)conquérir. Il est le grain de sable qui va révéler la supercherie. Mais on est chez Feydeau, le dindon n’est pas toujours celui qu’on croit.
Une mise en scène survoltée
S’emparant du Système Ribadier, un vaudeville classique mais rondement mené, Ladislas Chollat cisèle un divertissement de haute volée. Dans le magnifique écrin conçu par Emmanuel Charles, il mène parfaitement sa troupe, l’entraîne joyeusement dans ce jeu de dupes qui regorge de quiproquos et de saillies assassines. Tordant le cou au sexisme sous-jacent aux œuvres de Feydeau, il signe un spectacle où les femmes, fausses ingénues, reprennent la main, dirigent ce bal des faux-semblants.
Karsenti à la barre
L’ambiance est joyeuse. Les rires fusent. Virevoltant, faisant claquer les portes, naviguant à vue dans ce décor fait de chausse-trappes, les comédiens s’en donnent à cœur joie, tous excellents suivant à la lettre la mécanique du dramaturge, maître du boulevard. Parfaitement à l’aise dans cette comédie revisitée et savamment modernisée, Valérie Karsenti brûle les planches. Voix suraiguë, mimiques impayables, mordante autant que piquante, elle est tout simplement irrésistible. Face à elle, Pierre François Martin-Laval est épatant en mari inconstant et couard. Et la jeune Elsa Rozenknop, en bonne quelque peu délurée, tire parfaitement son épingle du jeu. Elle est tout simplement formidable.
Pour éloigner définitivement l’hiver, la morosité ambiante, quoi de mieux qu’une comédie rondement menée. Alors foncez aux Bouffes Parisiens, et laissez-vous emporter par cette folle et burlesque farandole. Bonne humeur garantie !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le système Ribadier de Georges Feydeau
Théâtre des Bouffes Parisiens
4 Rue Monsigny
75002 Paris
Jusqu’au 30 avril 2020
Du mercredi au samedi à 21h00, en matinée le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h00
Durée 1h50 environ
Mise en scène de Ladislas Chollat assisté d’Eric Supply
Avec Patrick Chesnais, Valérie Karsenti, Pierre François Martin-Laval, Benoit Tachoires, Elsa Rozenknop & Emmanuel Vérité
Décors d’Emmanuel Charles
Lumières d’Alban Sauvé
Costumes de Jean Daniel Vuillermoz
Musiques de Frédéric Norel
Crédit photos © Céline Nieszawer