Dans une boite grise laissant libre cours à l’imaginaire de chacun, Laurent Brethome et Philippe Sire adaptent le Dom Juan de Molière. Loin du flamboyant et cynique libertin, ils esquissent le portrait d’un matador désespéré et mélancolique. Faute d’une distribution convaincante, ils achoppent à lui donner du muscle.
Du fond de la salle, un homme, Sganarelle (François Jaulin), harangue le public, peste contre son maître, le fameux Dom Juan (Laurent Brethome). Il n’en peut plus de sa vie de débauche. Il aimerait tellement lui dire tout ce qu’il a sur le cœur. Que cela ne se fait pas de prendre la vie autant à la légère, de jouer avec les sentiments des gens, de bafouer impunément la vertu des femmes, de se marier à tour de bras ?
Coureur de jupons invétéré
Le ton est donné. Le tableau est posé. Dom Juan n’est pas un garçon fréquentable. Mais se moque-t-il des sentiments d’autrui ou est-il tout simplement un amoureux inconstant et incertain ? Loin de l’image habituelle de ce bourreau des cœurs, Laurent Brethome et son complice Philippe Sire cisèlent un personnage ténébreux, toujours impertinent mais plus trouble et moins tranché qu’à l’accoutumée. Coupant dans le texte, ils donnent corps à un être mal dans sa peau, un mystique qui ne croit pas en dieu mais à bien d’autres démons plus noirs, plus sombres.
Grand, longiligne, Laurent Brethome prête son corps légèrement dégingandé à ce séducteur invétéré, à l’allure fragile, à la détermination pleine de fêlures, de craquelures. Il aime l’idée de posséder la belle Elvire, mais une fois gagnée la main de la jeune novice, le jeu ne l’intéresse plus et il la délaisse. Il en est de même pour toutes ses passions. Elles ne durent que le temps du défi. Il est comme cela Dom Juan. Rien ne l’attache, rien ne l’arrête, ni l’amour d’une femme,ni la honte de son père, ni la haine des familles des belles séduites, puis abandonnées à leur triste sort.
De beaux tableaux
Portée par une scénographie sobre, mais recelant mille petites astuces, cette adaptation de la fameuse pièce de Molière a tout pour séduire. Malheureusement, elle ne convainc pas tout à fait. Trop d’idées inabouties, de pistes laissées de côté, donnent à l’ensemble un aspect bancal. Entrechoquant le classicisme de Philippe Sire à l’étrangeté baroque que Laurent Brethome, la mise en scène, en dépit d’efforts sincères, s’en trouve confuse. Seul le rôle-titre tire son épingle du jeu. Jouant les grands enfants mélancoliques, le comédien touche par sa générosité, sa faconde noire.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Villefontaine
Dom Juan de Molière
Création à la scène nationale – Albi le 1er octobre 2019
Théâtre de Vellein – Villefontaine
Avenue du Drieve
38090 Villefontaine
Jusqu’au 6 février 2020
Durée 1h40
Tournée
Du 3 au 5 mars 2020 aux Quinconces, l’Espal, Scène nationale du Mans
Du 5 au 6 mai 2020 au Le Théâtre – Scène conventionnée – Laval
Du 3 au 4 juin au Quai – CDN Angers Pays de Loire
Mise en scène et adaptation de Laurent Brethome et Philippe Sore assistés de Clémence Labatut
avec Laurent Brethome , Elsa Canovas, Leslie Granger, François Jaulin et Philippe Sire en vidéo
Création lumière de David Debrinay
Création sonore d’Antoine Herniotte
Scénographie de Gabriel Burnod
Costumes de Nathalie Nomary
Dramaturgie de Daniel Jacques Hanivel
Crédit Photos © Philippe Bertheau