Les stéréotypes genrés peuvent-ils avoir raison de nos aspirations d’enfant ? Avec délicatesse et humour, Ruben Alves signe une fable sociale, drôle, tragique, sur fond de Miss France, de travestissement, d’accomplissement de soi, et ce, malgré les préjugés. Une leçon d’humanité belle autant qu’intelligente !
Alex (troublant Alexandre Wetter) a neuf ans. Alors que les autres rêvent d’être astronaute, pilote ou vétérinaire, lui ambitionne d’être Miss France. Moqué par ses camarades de classe – la cruauté des enfants – , incompris par sa prof, le jeune garçon s’enferme petit à petit dans son monde. La mort tragique de ses parents, le placement en famille d’accueil, vont bouleverser sa vie, changer son quotidien, lui enlever ses dernières illusions.
Une vie monotone
Quinze ans plus tard, devenu grand, il vivote dans un squat’, géré par l’inénarrable Yolande (extraordinaire Isabelle Nanty), à deux pas des puces de Saint-Ouen. Son allure androgyne lui valant toujours son lot de raillerie, il s’enferre dans son mal-être, dans la morosité et la précarité de son quotidien. Les retrouvailles avec un ami d’enfance, Elias (touchant Quentin Faure), vont raviver son désir le plus vif.
Retour gagnant
Mettant tous ses proches à contributions, notamment sa vielle amie Lola (extraordinaire Thibault de Montalembert), il se prépare, mentalement et physiquement, à affronter les sélections régionales, à monter sur la dernière marche du Podium. Malgré les préjugés, les déconvenues, les efforts à fournir, Alex va se battre. Toujours plus haut, toujours plus fort.
Une bien belle histoire
Surfant sur les aprioris pour mieux les détourner, Ruben Alves et sa complice Élodie Namer esquissent avec beaucoup de délicatesse le portrait de ce jeune homme un peu terne. Chenille un peu grise, un peu terne, il va s’affirmer en devenant une magnifique jeune femme, un papillon sublime, multicolore. Jouant sur les codes de la comédie, le duo auteurs égratignent aux passages le machisme et le sexisme de nos sociétés contemporaines, que véhicule dans l’inconscient collectif le concours des Miss. Et ils signent un film humain, drôle autant que profondément émouvant.
Une sacrée brochette de comédiens
Soignant son casting, le réalisateur Franco-Portugais joue la carte de pluralité des genres et des styles. Pour épauler son jeune acteur, Alexandre Wetter, particulièrement bluffant en éphèbe et en jeune femme, il a fait appel à pléiades d’artistes : Pascale Arbillot, terrible en grande coach des Miss, à Isabelle Nanty, impayable en ex-baba cool, à Quentin Faure, tout en retenue en entraineur ténébreux, à Stéfi Celma, lumineuse, en Miss arriviste, et enfin à Thibault de Montalembert, juste épatant en prostituée travelotte sur le retour. Tous fantastiques, ils donnent cœur et chair à cette fable sociale sur la tolérance et le droit à la différence.
Au-delà des stéréotypes
S’amusant des clichés et des poncifs, dont le film regorge, Ruben Alves, jeune quarantenaire, ouvre la porte des rêves et offre à tous la possibilité de les réaliser. Surfant sur la veine écologique et féministe, il frappe juste, fort. Aigris et autres frustrés passez votre chemin. Ici, seule la liberté de vivre comme on l’entend, le respect d’autrui ont droit de cité. C’est beau, c’est émouvant, c’est terriblement drôle. Bravo !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Miss de Ruben Alves et Élodie Naher
Distribution Warner Bros
sortie le 11 mars 2020
Réalisation de Ruben Alves
Avec Alexandre Wetter, Isabelle Nanty, Pascale Arbillot, Thibault de Montalembert, Stéfi Celma, Baya Rehaz, Alexiane Torres, Quentin Faure, Cécile Rebboah, etc.
Décors de Philippe Chiffre
Costumes d’Isabelle Mathieu
Photographie de Renaud Chassaing
Montage de Valérie Deseine
Crédit photos © Julien Panié/Zazi Films/ Chapka Films et © Warner Bros. France