A la Tempête, Roxane Kasperski et Elsa Granat plongent avec délice dans les méandres du cerveau humain. Entremêlant paroles d’experts, musique jouée en direct et histoire(s) d’amour, elles signent une pièce loufdingue sur la schizophrénie. Une curiosité théâtrale déroutante autant que captivante.
Un homme (épatant Olivier Werner) entre en scène et harangue le public. Un brin obsessionnel, il joue avec des statuettes représentant son ex-femme (détonante Roxane Kasperski) et son nouveau compagnon (marquant Pierre Giafferi). Il invente une histoire qui prend vie sur le plateau. Un dimanche soir, le couple s’apprête à une soirée cocooning devant un film. Tout semble aller pour le mieux. Dans les parages, à l’abord de l’appartement, rode l’ancien amant, quelque peu psychotique, au passé schizophrène.
Un invité importun
En pleine crise, l’homme cherche refuge dans son ancien cocon, auprès de celle qui l’a longtemps épaulé avant de jeter l’éponge. Fini la tranquillité, la soirée bascule dans un autre monde, une autre réalité. C’est le capharnaüm. Les discussions s’enchaînent, parfois sans queue ni tête, les mots se répètent. Trois musiciens apparaissent, jouent en direct. Plus rien ne semble avoir de sens. Loin du monde cartésien du commun des mortels, on navigue au cœur de l’esprit de celui que la société qualifie de fou.
Une écriture documentée
A quatre mains, Roxane Kasperski et Elsa Granat signent un spectacle, qui derrière son côté foisonnant et foutraque, cache une vérité plus sombre, le traitement de la psychiatrie, et sa vision par notre société, au cours des 40 dernières années, à travers différents courant de pensées. De Deleuze à Pierre-Félix Guattari, en passant par Dolto et les tenants de l’antipsychiatrie tel Ronald Laing et Franco Basaglia, tout y passe avec ingéniosité et exaltation.
Une folle mise en espace
Certes, il arrive au spectateur de perdre pied, de ne plus savoir où donner de la tête, tant la mise en scène d’Elsa Granat est tourbillonnante, exubérante. Mais avec ingéniosité, la jeune femme a l’art de captiver, de rattraper l’attention égarée. Pour cela, elle s’appuie sur le jeu précis de ses comédiens et musiciens. S’amusant, Pierre Giafferi, Roxane Kasperski, Olivier Werner, Fanny Balestro, Quentin Coppalle et François Vallet vont à hue et à dia, se dépensent s’en compter et font la foire avec maestria.
Totalement barré, V.I.T.R.I.O.L est un œuvre ovniesque, délirante mais qui creuse là où ça fait mal, pour mieux interroger nos consciences sur l’état de la psychiatrie dans notre monde occidental. Et ce n’est déjà pas si mal !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
V.I.T.R.I.O.L – Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem – de Roxane Kasperski et Elsa Granat
Théâtre de la Tempête
Salle Copi La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Jusqu’au 29 mars 2020
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Durée 1h40
Mise en scène d’Elsa Granat
Avec Fanny Balestro, Quentin Coppalle, Pierre Giafferi, Roxane Kasperski, François Vallet, Olivier Werner
Collaboration artistique Hélène Rencurel
Scénographie de Suzanne Barbaud
Lumières de Lila Meynard
Costumes de Marion Moinet
Construction décor d’Yohan Chemmoul Barthelemy
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage