Créé au festival de Danse Cannes -Côte d’Azur, sous l’impulsion de sa directrice artistique Brigitte Lefèvre, le duo Marie-Agnès Gillot – Andrés Marín s’annonçait comme un des événements de la saison. Malheureusement, sur la scène, la rencontre entre l’ancienne étoile de l’Opéra de Paris et le célèbre danseur de Flamenco n’a pas lieu. Quel dommage !
De Peau d’âne l’an passé à Marigny aux cartes blanches de la Scène musicale, en passant par le concert des Enfoirés, Marie-Agnès Gilot est une retraitée très active. Danseuse extraordinaire, présence irradiante, flamboyante, l’ancienne étoile a du chien. D’un regard, d’un geste, elle a l’art de charmer, d’ensorceler, d’hypnotiser. Curieuse, elle aime les nouvelles expériences, refuse de se reposer sur ses acquis. Alors quand Brigitte Lefèvre lui propose de créer, avec Andrés Marín, star de la scène Flamenca actuelle, le spectacle de clôture, sous le regard d’expert de Christian Rizzo, directeur du Centre chorégraphique national de Montpellier, elle se jette à corps perdu dans l’aventure. Il faut dire que le projet, en réunissant virtuosité, expérience et « caliente » espagnole, a tout pour séduire. Mais de la théorie à la pratique, du flamenco à la danse néoclassique, il y a un pas que les deux danseurs-chorégraphes ont bien du mal franchir.
Des âmes errantes
Le décor sobre, clinique, pensé par Rizzo, fait penser à l’imposant et mystérieux mégalithe de 2001, Odyssée de l’espace de Ridley Scott. Il donne le ton à ce qui va suivre. Ici, pas de chaleur, pas de pas de deux endiablées. Tout est froid, clinique. Les gestes sont mesurés, les mouvements presque désincarnés. Les êtres de chair ont laissé place à des spectres à la recherche d’un autre invisible pour combler cette solitude qui leur colle à la peau, qui transpire par tous les pores de leur peau.
Des moments de bravoure
La musique assourdissante perce les tympans. Soulignant certains enchaînements, elle devient parfois agressive, rendant l’espace où évolue nos deux interprètes en quête de l’autre, inhospitalier. Pourtant, Marie-Agnès Gilot et Andrés Marín luttent. Ils rivalisent de technicité. L’une touche à la grâce avec ses bras de cygnes, son port altier, les arabesques qu’elle dessine avec les mains. L’autre, plus nerveux, frappe le sol, claque des talons, tourne tel un torero en cage. Mais voilà l’élégant ange noir et le bel hidalgo ne sont jamais en phase, ne trouvent pas de terrain d’entente, de retrouvaille. Ils se touchent, entremêlent leurs bras. En vain, le rendez-vous n’a pas lieu, chacun restant dans sa zone de confort.
Un jeu d’ombres sans lumière
Jouant les regards extérieurs et les metteurs en espace, Christian Rizzo compartimente le plateau, le cisèle grâce à un éclairage particulièrement structuré. Passant de l’ombre à la lumière, les artistes évoluent, jouent leur partition impeccable mais sans flamme, sans fougue. De cette rencontre au sommet qui attisait toutes les curiosités, Gilot et Marín n’ont certes pas su s’accorder, mais n’en reste pas moins des monstres sacrés de la danse.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Magma de Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín
Chaillot – théâtre national de la Danse
Salle Firmin Gémier
1, place du Trocadéro
75016 Paris
Jusqu’au 13 février 2020
Durée 1h00
Tournée
Le 16 février2020 à L’Arc, Le Creusot
Du 18 au 20 mars 2020 à La Comédie, Clermont-Ferrand
le 24 avril 2020 au Théâtre de Suresnes-Jean Vilar.
Chorégraphie de Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín
direction artistique, scénographie, costumes de Christian Rizzo
Musique de Didier Ambact, Bruno Chevillon & Vanessa Court
Lumières de Caty Olive
collaboration artistique de Roberto Martinez
Avec Marie-Agnès Gillot, Andrés Marín, Didier Ambact à la batterie & Bruno Chevillon à la contrebasse
Crédit photos © Julien Benhamou