On attendait beaucoup de la rencontre entre les univers de Rémi De Vos et de Jean-Michel Ribes, l’association est des plus joyeuses, leur Kadoc nous a conquis.
Les créations de Jean-Michel Ribes nous assurent bien des joies depuis de longues années, même lorsqu’il lui arrive, rarement, de manquer son coup. Permettant de nous construire, son humour délectable nous a nourri dès notre adolescence. Avec la pièce de Rémi De Vos, il nous a régalés, car on y a retrouvé toute sa verve, son esprit caustique, sa manière unique de s’amuser avec des personnages bien barrés, totalement emprisonnés dans leurs névroses. Sa direction d’acteurs est réjouissante. La scénographie de Sophie Perez, les lumières d’Hervé Couder et les costumes de Juliette Chanaud, font un bel écrin à cette comédie sociale.
Une plume décalée
Découvrir une pièce de Rémi De Vos procure toujours du plaisir. Surtout quand l’auteur parle du monde de l’entreprise et du travail. On se souvient encore de son Débrayage mis en scène par Anne-Laure Liégeois. L’auteur connaît son sujet et l’aborde avec toute l’absurdité qui convient. A travers le prisme de trois couples, sa nouvelle comédie nous montre comment l’entreprise peut rendre fou et faire des ravages à la maison. Tout tourne autour d’un quiproquo des plus savoureux s’achevant par un dîner des plus cocasses.
Un jeune couple à l’assaut de la vie
Jusqu’à ce jour, tout allait bien, dans ce monde de brutes pour les Schmertz, jeunes trentenaires. Mais depuis qu’Hervé s’est vu confier le dossier Karflex, un Kadoc, il vit un enfer et a des visions. Sa femme Judith, la tête sur ses épaules, le soutient et le protège. Yannik Landrein est formidable en garçon totalement dépassé aux crises d’angoisse impayables. Caroline Arrouas se sort bien de la tâche difficile d’incarner le seul personnage qui a les pieds sur terre dans cette histoire.
De petites gens impayables
Le couple Goulon représente magnifiquement ces gens médiocres, mesquins, envieux… La liste de tour ce qu’ils ont raté dans leur existence arrache des éclats de rire. Tout est petit chez eux, sauf leurs rêves de réussite. Monsieur Goulon a l’arrogance de ceux qui ont les dents qui rayent le parquet mais n’en ont pas les moyens. Gilles Gaston-Dreyfus et l’exquise Anne-Lise Heimburger, dans des numéros d’une grande subtilité, sont impayables.
Une dictature managériale
Enfin, le chef Wurtz aime commander et faire souffrir, définition même du dictateur. S’il règne en maître dans son entreprise, chez lui c’est autre chose. Sa femme Nora, qui a certainement été sa poupée, enfermée à la maison, ne va plus bien du tout. S’enfonçant dans sa folie, elle fait vivre à son époux les pires tourments. Et lui, pour ne pas perdre la face, s’évertue à tenter de lui faire plaisir. C’est terrible tout ce qui se dit en sous texte. Faisant entendre toutes les fêlures, éructant sa haine, Marie-Armelle Deguy est exceptionnelle dans l’incarnation de cette femme brisée. Jouant avec justesse et précision toutes les lâchetés de ce chefaillon,Jacques Bonnaffé est phénoménal.
Menée de main de maîtres et interprétée avec talent, cette cruelle, absurde et inénarrable satire sociale est d’une intelligence qui fait du bien au moral des troupes, alors on y va.
Marie-Céline Nivière
Kadoc de Rémi De Vos
Théâtre du Rond-Point
Salle Renaud-Barrault
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Jusqu’au 5 avril 2020
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h
Durée 1h30
Mise en scène de Jean-Michel Ribes assisté d’Olivier Brillet
Avec Caroline Arrouas, Jacques Bonnaffé, Marie-Armelle Deguy, Gilles Gaston-Dreyfus, Anne-Lise Heimburger, Yannik Landrein
Scénographie de Sophie Perez
Construction d’Antoine Plischké
Costumes de Juliette Chanaud
Lumières de Hervé Coudert
Son de Guillaume Duguet
Coiffures de Nathalie Eudier