Après son succès au Festival d’Avignon Off, La journée de la jupe est instaurée au Théâtre des Béliers Parisiens, pour le bien de la communauté. Adaptée du film de Jean-Paul Lilienfeld, la pièce est illuminée par la présence troublante de Gaëlle Billaut-Danno.
L’éducation civique n’étant plus au programme, On conseille vivement aux professeurs d’Histoire ou de Français d’emmener leurs élèves découvrir ce spectacle formidable. Bien sûr, vous allez dire qu’ils peuvent leur montrer le film. Je réponds, le théâtre, c’est mieux. C’est de la 3-D, c’est vivant et cela procure des émotions beaucoup plus fortes. De plus l’auteur de la pièce n’est autre que le réalisateur du film, Jean-Paul Lilienfeld. Il a fort bien théâtralisé son propos, mis en scène avec une belle efficacité par Frédéric Fage. Ah oui, vous allez encore dire, oui mais dans la version cinématographique, c’est Madame Adjani ! Et bien, sur scène, c’est Gaëlle Billaut-Danno… Retenez bien ce nom.
Une tension de tous les instants
Dès les premiers instants, nous sommes saisis par l’arrivée bruyante et désordonnée des gamins. On sent bien qu’ils sont là par obligation, le lycée, les cours de Français ils n’en n’ont rien à faire. Il y a beaucoup d’agressivité entre eux, les insultes s’échangent dans une banalité quotidienne. Nous sommes dans un quartier difficile d’une banlieue défavorisée et toutes les conventions sont là. Ces gamins sont une caricature, mais ils l’ignorent. Pour survivre dans leur monde, ils suivent des codes qu’ils ne comprennent pas complétement et qui les entravent. Arrogants, ils sont toujours sur la défensive. Faut pas leur « prendre la tête » et leur manquer de « respect ». Que savent-ils de la signification de ce mot ? Hugo Benhamou-Pépin, Lancelot Cherer, Sarah Du Maquis Fergusson (en alternance avec Amélia Ewu), Sylvia Gnahoua, Abdulah Sissoko sont épatants dans ces rôles difficiles à tenir sans tomber dans la parodie facile. Il y a de la matière dans leurs personnages, on devine leurs fêlures, leurs failles et leurs désarrois.
Un personnage fort
Que peut faire une professeure de français, délicate et fragile fasse à cette bande de adolescents indisciplinés ? Perdre patience, baisser les bras ? Sonia Bergerac a juste les nerfs à fleur de peau et une certaine lassitude. En cette matinée, tout aussi pénible que les autres, un incident fait déraper la routine et met tout ce petit monde face à ses réalités. En confisquant un sac, l’enseignante trouve un flingue. Sans réfléchir, elle va s’en servir comme arme, non pas de guerre, mais de défense et prendre la classe en otage. Elle tient enfin en respect ces mômes et, même si elle se laisse déborder une nouvelle fois, elle va arriver à établir un véritable dialogue avec eux. Elle tiendra tête à l’autorité, représentée par le négociateur du Raid (Julien Jacob) mais n’évitera pas le drame.
Une comédienne radieuse
Sonia Bergerac possède une sacrée personnalité. Parce qu’ils se sont plaints qu’elle venait en jupe et que c’était de la provocation, la jeune femme met tous les jours cette tenue. Elle tient à leur montrer ce qu’est une femme libre, sans les contraintes machistes et autres. Elle est issue de l’école laïque, celle qui devrait permettre à tous, d’accéder aux connaissances et veut la défendre. Et même si les élèves ne veulent pas entendre parler de Molière, elle s’accroche. Car c’est grâce à la culture qu’ils auront des armes pour se défendre dans cette société qui s’apprête à ne leur faire aucun cadeau. Toujours sincère, vraie, touchante, évitant les pièges qui pourraient être inhérents à une prof aux bords de la crise de nerfs, Gaëlle Billaut-Danno est remarquable dans ce rôle fort. Alors, Allez-y !
Marie-céline Nivière
La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld
Théâtre des Béliers Parisiens
14 bis rue Sainte-Isaure
75018 Paris
A partir du 18 janvier 2020
du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00
durée 1h20
Mise en scène et scénographie de Fréderic Fage
adaptation du scénario par Jean-Paul Lilienfeld
avec Gaëlle Billaut-Danno, Julien Jacob, Hugo Benhamou-Pépin, Lancelot Cherer, Amélia Ewu en alternance avec Sarah Ibrahim, Sylvia Gnahoua, Abdulah Sissoko
Crédit Photos © Fabienne Rappeneau