Loin du film de Lynch, le comédien Antoine Chalard, à la tête de la Compagnie le Théâtre du Midi, se frotte, pour la première fois, à l’écriture en proposant sa version, délicate et poétique, d’Elephant man. Un spectacle humain qui touche en plein cœur.
Antoine Chalard s’est emparé de la véritable histoire de Joseph Merrick avec une grande tendresse et beaucoup de talent. Au lieu de mettre le focus sur les souffrances, les injustices, qu’a dû subir ce jeune homme difforme, perçu comme un monstre par les gens, le comédien, auteur et metteur en scène s’est concentré sur ceux qui lui ont apporté de l’aide et du réconfort. Il s’attache à montrer comment ces derniers ont été métamorphosés par cette rencontre. Car Joseph, une fois en confiance dans un monde bienveillant, se révèle une belle âme. N’oublions jamais que ce n’est pas au physique mais « au cœur et à l’esprit» que l’ « on juge un homme! »
Un ton désuet charmant
Le style narratif fait songer au conte du XIXe siècle comme ceux de Maupassant. Chalard nous capte immédiatement et on suit le fil avec un grand intérêt, alors qu’on en connaît la fin. Mais c’est surtout sa mise en scène qui nous a emballés. Il crée une atmosphère aux couleurs sépia des images du passé. Superbe travail de Judex Boyer et Fabrice Legros. Un rideau blanc en fond de scène, un fauteuil, une table suffisent à marquer les lieux. Sa scénographie et de toute beauté. Elle rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’encombrer un plateau au théâtre pour accompagner l’imaginaire des spectateurs.
Des comédiens ébouriffants
Dans les costumes de Marie Vernhes, Clémentine Yelnik et Antoine Chalard interprètent à eux deux tous les personnages qui croisent la route de Merrick. La qualité de leurs jeux, fins et soignés, nous a transportés. Même si son parcours est riche, Clémentine Yelnik est pour nous une découverte. Quelle comédienne ! Elle passe avec virtuosité de la cruelle Madame Kytes, à l’infirmière en chef dévouée Motherhead, à Kendal, la vedette de théâtre.
Un Elephant man plus vrai que nature
Visuellement, le personnage d’Elephant man est traité comme s’il sortait d’un film d’animation de pâte à modeler, où d’une illustration d’un livre. Le masque, création de Galina Molotov est surprenant d’authencité. Au fur et à mesure que se déroule l’histoire, ce visage déformé horrible nous apparaît comme normal. L’empathie que l’on éprouve pour Joseph transforme sa laideur en normalité, voire en beauté. Pratiquant l’art du masque avec une belle adresse, incarnant toute la candeur, la générosité, l’intelligence de son personnage, Florent Malburet est formidable. Après un long silence, où l’émotion est palpable, le public applaudit à tout rompre. Un spectacle que l’on vous conseille vivement d’aller découvrir.
Marie-Céline Nivière
Elephant man d’Antoine Chalard
Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Jusqu’au 1ermars 2020
Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 17h00
Durée 1h15
mise en scène d’Antoine Chalard
Avec Clémentine Yelnik, Antoine Chalard et Florent Malburet
Costumes de Marie Vernhes
Masque de Galina Molotov
Création Lumière de Judex Boyer Et Fabrice Legros
crédit photos © Gilbert Vanbiervliet et © Brigitte Boitelle / crédit affiche © Christian Delcambre