Philosophe un jour, philosophe toujours

A la Scala Paris, Isabelle Adjani et Laure Calamy brûlent les planches en parlant de courage.

S’emparant des mots de Cynthia Fleury, de ses méditations sur le monde d’aujourd’hui, sur la déprime ambiante d’une société exsangue, Isabelle Adjani et Laure Calamy, toutes deux divines, réinventent le courage, lui redonnent toute sa noblesse. Une lecture théâtralisée par l’excellent Nicolas Maury, passionnante, réflexive  autant que désopilante !

Malgré les grèves, la salle est comble. Isabelle Adjani, au théâtre, même pour une lecture, ça ne se rate sous aucun prétexte. Gens de théâtre, de cinéma, quidams, jeunes ou plus âgés, tout le monde est là. Quand enfin tous sont installés, que le silence règne, elle apparait dans un halo de lumières. Gavroche sur la tête, manteau long anthracite, la comédienne darde son regard sur le public. Visage énigmatique, elle prend sa respiration, entonne un long monologue. 

S’aidant par moment du texte qu’elle tient à la main, Isabelle Adjani, rayonnante, se glisse délicatement dans la peau de son personnage, une philosophe écrivaine. Chercheuse questionnant la vie, la société, elle s’interroge sur cette mélancolie qui semble avoir contaminé l’humanité. Tout part d’un simple et lapidaire constat qu’elle se fait à elle-même, « j’ai perdu mon courage comme on perd ses lunettes ». De cette réflexion, de ce moment d’abattement, elle tire le fil d’un récit, d’une méditation. Partant de son vécu, elle élargit son propos, au politique, au collectif. puisant dans l’œuvre d’Hugo, de Jankélévitch, et de bien autres penseurs, elle tente de défendre vaille que vaille sa pensée face à une  agent littéraire,  confite de certitude crasse et face à une jeune journaliste survoltée (irradiante Laure Calamy), pensant à première vue plus audimat qu’introspection.

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S’inspirant de sa propre histoire, Cynthia Fleury, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, titulaire de la chaire « humanités et santé », adapte  pour le théâtre son propre essai, La fin du courage. Avec beaucoup d’autodérision, un brin de causticité, elle croque le monde des médias et de l’édition. Egratignant sa propre image de philosophe neurasthénique et boudeuse, elle esquisse le portrait d’une société en perte de repère, égocentrique, qu’elle rêve de secouer, de réveiller. 

Donnant les clés d’un vivre mieux passant par la volonté d’affronter coûte que coûte les embuches, les obstacles, L’autrice signe un texte certes emberlificoté, mais que le talent des deux comédiennes, Isabelle Adjani, impériale et Laure Calamy, lumineuse, terriblement cocasse, et la mise en espace, ingénieuse et drôle, de Nicolas Maury, permettent d’éclairer avec beaucoup de finesse. Une éphémère formule théâtrale qu’on a plaisir à savourer ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


La fin du courage de Cynthia Fleury 
La Scala-Paris 
13, boulevard de strasbourg
75010 Paris
jusqu’au 21 décembre 2019
durée 1H30 environ 

Version théâtrale de Cynthia Fleury
Avec Isabelle Adjani et Laure CalamyMise en espace de la lecture Nicolas Maury assisté de Valérie Six et Barthélémy Fortier 

Crédit portrait Isabelle Adjani © Richard Gianoro / Crédit portrait Laure Calamy © Philippe Quaisse

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