Pour célébrer les 250 ans de la naissance de Beethoven, Thierry Malandain invite à une danse plurielle où démons d’hier, anges d’aujourd’hui, donne naissance à l’humanité de demain. S’appuyant sur la fameuse 6e Symphonie du compositeur allemand, dite Symphonie pastorale il livre un spectacle délicat alliant mouvements primitifs rappelant quelques bacchanales grecques et gestuelles néoclassiques. Un moment hors du temps porté par une troupe virtuose.
Sur une scène vide, bordée de pendillons noirs, une immense grille, une sorte de cage composée de 25 carrés, délimite l’espace. En son centre, un corps, vêtu d’une robe sombre, est allongé, inerte. Très vite, il est rejoint par d’autres individus portant des tenues identiques. Hommes ou femmes, tous sont habillés de la même façon. Dans ce monde obscur, pas de différence de genre, une égalité totale règne. Bourreaux, démons, habitants d’une dictature, membres d’une obédience sectaire, ils s’approchent de l’être endormi, lui insufflent la vie, éveillent sa conscience et l’entraînent dans une danse sépulcrale, fascinante, hypnotisante.
Après l’obscurité, la lumière. Laissant tomber leur noire vêture pour dévoiler des tuniques blanches, virginales, les danseurs du Malandain Ballet Biarritz convient l’androgyne individu vers des cieux plus cléments. La cage s’envole dans les cintres. La liberté est à portée de mains. Farandoles de nymphes, pantomimes rappelant des fresques antiques, les corps s’entremêlent, les gestes se font plus doux. Des idylles platoniques naissent. Des passions spirituelles éclosent. Des anges, des âmes pacifiques peuplent le plateau, l’envahissent. Le monde a changé, la nature se veut harmonieuse, plaisante. Passant d’un univers à l’autre, de la séduisante noirceur à la trop sage pureté, l’humanité toute nue voit le jour. Empruntant un peu à l’un, un peu à l’autre, elle vibre au diapason de cette dichotomie, de cette ambivalence troublante.
Suivant la partition de la 6e Symphonie de Beethoven, à laquelle il a mêlé la Cantate op. 112 et quelques motifs des Ruines d’Athènes, dont la composition musicale s’inspire de la nature et de ses sons, Thierry Malandain signe une pièce chorégraphique des plus exigeantes tout en allégresse et légèreté. Jouant des ralentis, des accélérés, il déploie avec virtuosité toute la grammaire de la danse classique matinée de contemporain. Pas de deux, danses de groupes, les tableaux, véritables toiles de maître, s’enchaînent puissamment, élégamment.
S’attaquant pour la troisième fois à l’œuvre du Compositeur allemand, le chorégraphe, installé à Biarritz donne forme humaine aux notes. Les pulsations des corps, les arabesques dessinés par les bras, les ronds de jambes, emportent le public dans un rêve éveillé où l’être se scinde avec la nature. Empreint de spiritualité, La Pastorale de Malandain joue des esthétiques entre rites antiques, danses tribales sophistiquées et abstractions évanescentes. Porté par une troupe d’excellence qui maitrise à la perfection technique et agilité, le ballet hommage à Beethoven est d’une belle intensité. Parfois l’attention se relâche, mais c’est pour mieux se ressaisir, se captiver à nouveau. Une délicatesse dansée à savourer sans tarder.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La pastorale de Thierry Maladain
Théâtre national de danse de Chaillot
Salle Jean Vilar
Place du Trocadéro
75016 Paris
Jusqu’au 19 décembre 2019
Durée 1h10
Tournée
Les 22 et 23 décembre 2019 au Theater Bonn, Allemagne
Les 28 et 29 décembre2019 à la Gare du Midi, Biarritz
Le 16 janvier 2020 à la Graf Zeppelin Haus, Friedrichshaffen (Allemagne)
Le 10 mars 2020 au Théâtre de Chartres
Le 24 mars 2020 au Teatro Comuna le Giuseppe Verdi, Pordenone (Italie)
Le 2 avril 2020 au Théâtre de la Coupole, Saint-Louis
Les 17 et 18 avril 2020 au Victoria Eugenia Antzokia, Donostia, San Sebastian
Les 21 et 22 avril 2020 au Festhalle Viersen, Allemagne
Les 24 au 26 avril 2020 aux Gémeaux – Scène nationale, Sceaux
Du 2 au 5 mai 2020 à la Gare du Midi, Biarritz
Les 30 et 31 mai 2020 à l’Opéra de Reims
Les 20 et 21 juin 2020 au Stadsschouwburg Antwerpen, Anvers (Belgique)
Chorégraphie de Thierry Malandain
Musique de Ludwig van Beethoven
Décors et costumes de Jorge Gallardo
Lumières de François Menou
avec les 22 danseurs du Malandain Ballet Biarritz – Giuditta Banchetti, Raphaël Canet, Clémence Chevillette, Mickaël Conte, Jeshua Costa, Frederik Deberdt, Clara Forgues, Loan Frantz, Michaël Garcia, Irma Hoffren, Cristiano La Bozzetta, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Nuria Lopez Cortés, Arnaud Mahouy, Alessia Peschiulli, Ismael Turel Yagüe, Yui Uwaha, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel
Crédit photo © Olivier Houeix