S’inspirant des mythes ancestraux d’Amérique du Sud, auxquels il entremêle fables, légendes tout droit sorties de son foisonnant imaginaire, Damien Jalet invente une danse organique, une transe presque irréelle. En exclusivité française au TNB, la dernière création du chorégraphe franco-belge questionne croyance et origine.
La salle est plongée dans le noir. Un bruit sourd, mécanique emplit l’espace. Tous nos repères sont chamboulés. Une seule solution, se laisser porter, envoûter, lâcher prise. Dans la pénombre, on distingue sur la scène une immense structure, sorte d’impressionnante antenne parabolique, qui semble tourner sur elle-même. Dessus, quatre individus, sorte de réminiscence des anciens dieux précolombiens, des points cardinaux, veillent, observent.
Illusions d’optique, la construction fait de métal et de bois devient cratère. Les danseurs des aigles aux allures de Daft Punk portant des costumes à franges. Gardiens des mondes, ils ouvrent un passage entre différents univers, différents états corporels. Des ombres en sortent, des momies. Endormies, inertes, elles se réveillent lentement, envahissent la coupole. Visions étranges, cauchemardesques, les mouvements sont au ralenti, hypnotiques. Entremêlant transes sacrées et rêves nocturnes, Damien Jalet invite au songe d’une nuit étoilée, à un rituel entre vie et mort, entre fantasme et réalité.
De son écriture singulière, jouant sur les temporalités, sur les cadences, le chorégraphe belge s’inspire du monde qui l’entoure, des légendes anciennes, des mythes contemporains. Il puise dans la terre des récits de vie, des contes envoûtants, des utopies. Partant du nombril du monde (omphalos en grec ancien), du nombril de la lune (certainement l’origine de Mexico) où il a créé ce spectacle, il esquisse sa propre mythologie matinée de ses précédents travaux chorégraphiques.
Porté par vingt épatants danseurs du Centre mexicain de Production de Danse Contemporaine (CEPRODAC) – le nombre est important dans la culture inca – , cette pièce chorégraphique convie à un réflexion sur le mouvement, le corps, sa capacité à se tordre, à défier l’apesanteur. Interrogeant nos croyances, notre place dans le cosmos, Damien Jalet signe un show magnétique dont l’étrangeté ensorcelante est soulignée par les musiques de ses deux complices japonais Marihiko Hara et Ryūichi Sakamoto.
A trop étirer le temps, les gestes, le chorégraphe se perd en digression, mais gagne sur certains tableaux en fascination. Les scènes de groupes sont d’une rare beauté, d’une rare intensité. Omphalos hypnotise et séduit donc par sa scénographie démentielle signée Jorge Ballina, la virtuosité de ses interprètes en permanence sur le fil de l’équilibre.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Rennes
Omphalos de Damien Jalet
Festival du TNB 2019
Théâtre national de Bretagne – Rennes
Salle Vilar
1, rue Saint-Hélier
35000 Rennes
Jusqu’au 9 novembre 2019
Durée 1h00
Chorégraphie et Direction Artistique de Damien Jalet assisté d’ Aimilios Arapoglou & Gabriela Ceceña
Collaboration Artistique d’Eleno Guzmán Gutiérrez
Avec Ana Paula Ricalde Castillo, Bryant Pineda Torices, Claudia Nayeli Olvera Rodríguez, Ernesto Peart Falcón, Guillermo IV Obele Bustos, Guillermo Magallón Armenta, Héctor Manuel Ortíz Valdovinos, Ilse Orozco Corona, Jairo Cruz González, Jorge Emmanuelle Sanders Bustos, Juan Ángel Garnica Vázquez, Luis Alberto Ortega Valdez, María Alejandra Corona Pérez, Marlene Coronel Ortiz, Paulina del Carmen Fernández Sánchez, Paulino Josafat Medina Domínguez, Samantha Nevarez del Castillo, Sergio Anselmo Orozco, Yansi Méndez Bautista, Zurisadai de Jesús González Fuente
Son de Marihiko Hara & Ryūichi Sakamoto
Costumes de Jean-Paul Lespagnard
Décors de Jorge Ballina
Lumière de Víctor Zapatero
Costumes de Bárbara Roiz, Rafael Villegas et Raymundo Sánchez
Crédit photos © DR / Crédit Photos © Lugo