Les spectateurs s’installent face à face sur les gradins qui encadrent un espace de jeu, étroit, un défouloir parfaitement délimité. Un homme passe la serpillère, efface toute trace, toute impureté laissées sur le sol. L’arène est prête. Le show peut commencer. Les lumières des projecteurs sculptent l’espace, donnent au vide une texture, une densité. L’effet est prometteur. Il hypnotise.
Toute de noir vêtue, lunettes de soleil dérobant son regard au public, Tatiana Julien entre. Elle saute, virevolte. Elle habite la scène, grimace. Hyperactive, fougueuse, Seule sur scène, la danseuse-chorégraphe se démultiplie, donne l’impression d’être une foule entière, chahute avec des ombres, des fantômes. Du mouvement des droits civiques aux États-Unis des Noirs américains à mai 68, des grèves aux révolutions sociétales, elle est de tous ses combats, de toutes ses colères.
De Mylène Farmer à Malraux, en passant par Camus, Deleuze ou Martin Luther King, la jeune femme convoque les mots des autres, ceux d’un autre temps, d’une autre époque, pour dire sa révolte d’aujourd’hui. Empruntant à la pop, au voguing, au krump, à Jan Fabre et même à la Macarena, une gestuelle guerrière, furieuse, Tatiana Julien part dans tous les sens. Soubresauts, mouvements saccadés, playbacks surjoués, elle se démène comme une belle diablesse, un feu follet pris dans les phares d’une voiture.
Interprète pour Thomas Lebrun, Olivia Grandville et Boris Charmatz, la danseuse chorégraphe, à la tête de la compagnie C’interscribo, qu’elle a créée en 2011, réinvente son écriture, se libère de toutes règles, se lâche sans limite, sans pudeur. De l’état de grâce -rare – au chaos, il n’y a qu’un pas que Tatiana Julien franchit allégrement avec plus ou moins de réussite.
Aguicheuse, séductrice, furibonde, indomptable, Tatiana Julien s’autorise tout, quitte à laisser une partie des spectateurs sur le carreau. Peu importe, la révolte est palpable. Violente, nerveuse, exaltée, elle explose en une danse folle, aliénante, un cri sourd, une gestuelle débridée.
Avec Soulèvement, la chorégraphe trentenaire change de cap pour le pire diront certains, pour le meilleur diront les autres. A chacun de se faire son opinion.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Soulèvement de Tatiana Julien
Théâtre national de danse de Chaillot
1 place du Trocadéro
75016 Paris
Jusqu’au 27 novembre 2019
Durée 1h00
Chorégraphie et interprétation de Tatiana Julien
Musique, son de Gaspard Guilbert
Lumières de Kevin Briard
Costumes de Tatiana Julien &Catherine Garnier
Documentation de Catherine Jivora
Regards Extérieurs de Clémence Galliard, Sylvain Riejou
Crédit photos © Hervé Goluza