Jouant des lumières, des ombres, François Veyrunes invite danseurs et spectateurs à s’immerger dans un monde où le noir devient couleur, nuance. Pas de deux, danse de groupe ou solo, gestes au ralenti ou soudainement accélérés, le chorégraphe grenoblois rend avec Outrenoir un bel hommage à l’œuvre de Soulages.
François Veyrunes aime les défis, aller où on ne l’attend pas. Après avoir proposé sa vision des grandes figures de la mythologie grecque, Tendre Achille (2014), Chair Antigone (2015) et Sisyphe heureux (2017), il entame un nouveau cycle, une nouvelle trilogie. Quittant le monde du tangible, il s’intéresse cette fois à la notion très abstraite du sensible, de l’immatériel. S’inspirant du « noir lumière » de Pierre Soulages, il fait vibrer l’espace scénique, lui donne une consistance.
Alors que la salle plonge dans l’obscurité, une voix de contre-alto rompt le silence. Prenante, elle interroge, questionne, captive. Au loin des images mouvantes de nuages gris bleutés, invitent à la rêverie. Ce ne sont que les prémices d’un étrange voyage au cœur d’un songe onirique où le temps semble suspendu. Changement de ton, les envolées opératiques laissent place à une musique plus industrielle, plus métallique, faite de cliquetis, de vrombissements, de bruits de soufflerie. Dans une sorte de clair-obscur, les danseurs font l’un après l’autre leur entrée. Bras fendant l’air, jambes tendues, ils envahissent le plateau, lui donnent vie. Visages à peine visibles, leurs corps se meuvent au ralenti.
Tout se passe dans une pénombre savamment étudiée, un jeu de lumières particulièrement soigné. Rien n’est laissé au hasard. Travail minutieux, mouvements lents, répétés à l’envi, on reconnaît sans contexte la pâte de Veyrunes, sa signature. Si l’on peut regretter une incarnation moins évidente que dans ses précédentes pièces – sujet oblige – , on se laisse hypnotiser par l’élégance, la beauté des gestes.
Conquis par la technique impeccable des cinq interprètes – Nicolas Garsault, Chandra Grangean, Sophie Lèbre, Sébastien Ledig & Francesca Ziviani – , On se laisse happer par un jeté de jambe, une roulade, un porté. Imperceptiblement l’écriture chorégraphique abstraite se déploie et dessine dans l’espace vide du plateau, des formes, des couleurs, des aspérités. Tout comme dans les tableaux noirs de Soulages, la vibrance vient des ombres, des lumières.
Envolée lyrique, intellectualisation du néant ou plus exactement de ce qui n’est pas palpable, François Veyrunes captive l’auditoire en jouant sur les temporalités et séduit par le choix de ses danseurs, tous excellents. Mention spéciale au duo final formé par Sébastien Ledig et Francesca Ziviani, que les plus chanceux pourront découvrir en exclusivité au Musée de Grenoble, samedi 12 octobre à 11h30.
Outrenoir est une pièce chorégraphique magnétique, une interprétation spirituelle du monde. Une douceur qui fait du rien une couleur, une entité à part entière.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Grenoble
Outrenoir de François Veruynes
Compagnie 47.49
Création les 10 et 11 octobre à l’Heure Bleue – Scène Auvergne Rhône-Alpes en co-accueil avec La Rampe, scène conventionnée pour la danse d’Echirolles
2, avenue Jean Vilar
38400 Saint-Martin-d’Hères
Durée 1h00 environ
Tournée
Le 12 octobre 2019 de 11h30 à 12h30 – Éclat chorégraphique au Musée de Grenoble Le 18 octobre 2019 au THV, St-Barthélémy-d’Anjou (49)
le 31 mars 2020 -au Château Rouge, Annemasse (74)
Le 7 avril 2020 à Lux – Scène Nationale de Valence (26)
les 16 et 17 avril 2020 à Bonlieu, Scène nationale, Annecy (74)
Les 12 et 13 juin 2020 au Théâtre Municipal de Grenoble (38)
Chorégraphie de François Veyrunes
Dramaturgie de Christel Brink Przygodda
avec Nicolas Garsault, Chandra Grangean, Sophie Lèbre, Sébastien Ledig, Francesca Ziviani
Plasticien et responsable technique Philippe Veyrunes
Univers sonore François Veyrunes
Régisseur plateau et costume Laurent Malevergne
Crédit photos © Guy Delahaye