Parade, la grande kermesse du Châtelet

L'ouverture en fanfare du châtelet

Après deux ans de fermeture pour travaux, le théâtre du Châtelet s’offre une réouverture en fanfare sous le signe d’un élargissement du public. Souhaitant faire écho au ballet mythique du même nom, crée en 1917 à l’initiative de Serge Diaghilev, les codirecteurs Ruth Mackenzie et Thomas Lauriot-dit-Prévost invitent à une soirée événement à la croisée des arts vivants. Un barouf de tous les diables qui s’éparpille à tout va. 

Après le flop de l’expérience DAU, en janvier dernier dont il était l’hébergeur avec le Théâtre de la Ville, et qui avait permis aux plus courageux, plus chanceux de jeter un œil curieux à l’intérieur du Châtelet, le célèbre théâtre, situé en lieu et place de l’ancienne forteresse édifiée par Louis VI, siège de la police sous l’ancien régime, s’offre une réouverture tonitruante et haute en couleurs. En ce jour de grève, pas de chance, rendez-vous est donné place de l’Hôtel de Ville. Quatre grandes Marionnettes tout droit venues du Mozambique accueillent officiels, invités et badauds. Au rythme des percussions jouées par des dizaines de musiciens professionnels et amateurs, elles se dodelinent, se meuvent, glissent entraînant cette joyeuse bande jusqu’à l’entrée du théâtre. C’est un vrai tintamarre, un vrai festival de décibels de bonne humeur qui déambulent le long de la très courte avenue Victoria. 

Ce n’est que le début de cette étonnante Parade. Invités à pénétrer dans les murs du bâtiment construit par l’architecte Gabriel Davioud, le public se presse dans le hall, dans les couloirs, le foyer. Disséminées un peu partout, des attractions proposent de faire connaissance avec l’univers fou d’Eric Satie, l’art du cirque, et plus largement du spectacle vivant. Des acrobates, ressemblant à des fées, perchées sur des armatures de fers, des circassiens de tout poil de toute sorte, rappelant le célèbre rideau de scène peint par Pablo Picasso dans le cadre de Parade, ballet en un acte créé à la demande des Ballets russes de Serge Diaghilev pour cette même scène du Châtelet le 18 mai 1917. Réunissant la fine fleur de l’avant-garde surréaliste du début du siècle dernier, à la chorégraphe Léonide Massine, tout juste 20 ans, à la musique Satie, au livret, Jean Cocteau, âgé de 26 ans, et enfin aux costumes et décor le peintre espagnol, le célèbre organisateur marque les esprits avec ce spectacle considéré, notamment par Guillaume Apollinaire, comme une œuvre d’art total. 

Reprenant le concept, un événement court, convoquant l’ensemble des disciplines circassiennes afin d’inciter le public à entrer, le britannique Martin Duncan s’empare du théâtre, des cuisines au foyer, et imagine divers tableaux, différentes formes artistiques pour permettre à tous de se réapproprier ce lieu, qu’ils soient amateurs ou néophytes. Mais c’est dans la grande salle, surplombée d’une immense et translucide sculpture équine, qu’a lieu le clou de la soirée, une succession de numéros virtuoses. Certes les prouesses sont au rendez-vous, Stéphane Ricordel, codirecteur du Monfort théâtre (Paris XVe) et co-metteur en scène de cette revue, y a veillé personnellement. Mais faute d’un lien, d’une histoire, l’ensemble se limite à enchaîner les tableaux, comme autant de belles perles. Saluons ici les performances incroyables des acrobates Matias Pilet, Eric Bates et Tristan Nielsen, de la funambule Tatiana-Mosio Bongonga, d’Alexandra Royer, experte dans l’art du cerceau. Toutefois, ce qui retient l’attention c’est sans contexte la proposition de l’américaine Elisabeth Streb et des performeurs de sa compagnie Extreme Action, qui se jouent de la gravité. Tournoyant à plus de 6 mètres du sol sur un portique géant, les trois artistes hypnotisent la salle qui retient son souffle, émerveillée.

Alors que la nuit enveloppe les lieux, les convives-spectateurs sont invités à un pique-nique en blanc, en hommage à Satie, et à boire le verre de l’amitié devant le parvis, sur la place du Châtelet. Sous le signe de l’ouverture vers un public plus large – places entre 71 et 9 euros- et en attendant Les Justes de Camus adapté par Abdel Al Malik ou A Quiet Evening of Dance, la dernière création de William Forsythe – , le théâtre sort lentement de sa torpeur en s’offrant une soirée folle, bigarrée, qui déborde dans tous les sens. Un grand carnaval, en somme !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Parade, spectacle(s) de réouverture conçu(s) par Martin Duncan
Théâtre du Châtelet – Grande salle
Place du Châtelet
75001 Paris 
Jusqu’au 15 septembre 2019


Direction musicale de Matthias Pintscher
Mise en scène de Martin Duncan
Décors et costumes de Francis O’Connor
Lumières de Sinéad McKenna

Boîte noire 
Direction artistique de Stéphane Ricordel
Assistant à la mise en scène Léo Ricordel
Musique de DakhaBrakha
Avec Matias Pilet, Tatiana-Mosio Bongonga (Cie Basinga), Eric Bates (Barcode Circus Company), Alexandra Royer (Barcode Circus Company), Tristan Nieslen (Barcode Circus Company)

Streb Extreme Action
Direction artistique d’Elizabeth Streb
Création musicale de Pierre-Yves Macé
Avec Cassandre Joseph, Daniel Rysak, Jackie Carlson, Tyler DuBoys, Justine Ross, Sophia Wade

Marionetas Gigantes de Moçambique
Marionnettistes: Leonardo Silvestre Banze, Lina Jonas Cambaco, Dário Cossa Karino, Dima Carlos Tivane, Moises Ernesto Matsinhe Mafuiane, Rafael Fiel dos Santos Marques
Musiciens : Lucas Zeferino Macuacua, Cândido Solomão Zango, Donaldo Durao Mahuaie
Costumes d’Isaque Mohomed

Crédit photos © Thomas Amouroux

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