Au théâtre de la Porte Saint-Martin, Zabou Breitman s’empare de La Dame de chez Maxim, lui insuffle une folie burlesque, une dimension extravagante, quitte à enrayer parfois la diabolique rythmique de Feydeau. La troupe excellente, Micha Lescot, Léa Drucker et Anne Rodger en tête, emporte l’ensemble en transmettant à la salle son humeur exaltée.
Sans préambule, on entre dans l’intimité du docteur Petypon (Micha Lescot), dans sa chambre immense, cossue. Tout est sans dessus, dessous. Un véritable ouragan semble avoir balayé meubles et bibelots. Inquiets, Mongicourt (Christophe Paou), ami et confrère, et Etienne (Eric Prat), le valet, découvrent l’homme encore enivré de la veille sous un canapé. Mais alors qui se cache dans le lit ?
Une jeune femme court-vêtue, fameuse danseuse du Moulin-Rouge, la Môme Crevette (Léa Drucker), qui, contrainte par les circonstances, prend la place de la véritable madame Petypon (Anne Rotger), une vieille et dévote toupie. Amusée, la gouailleuse cocotte se pique au jeu et fait tourner en bourrique son mari de façade, ses proches, sa famille de province.
De quiproquos en malentendus, de malheureux hasards en méchants et drolatiques coups du sort, Georges Feydeau brode, avec une précision d’horloger, un scénario des plus farfelus, un vaudeville aux petits oignons, un brin hystérisant. Dénonçant l’hypocrisie feutrée de la petite bourgeoise, il s’amuse à placer son maladroit et rigide héros dans des situations abracadabrantesques de plus en plus inconfortables. S’enfonçant dans le mensonge, il en perd son latin pour notre plus grand plaisir.
Avec beaucoup de délicatesse, un brin de folie, Zabou Breitman s’empare de cette comédie à la mécanique imparable et rigoureuse. S’appuyant sur une distribution de haut vol, des décors somptueux signés Antoine Fontaine, elle donne à l’ensemble une bonne tenue. Pourtant, la machine à gags s’enraille quelque peu dans le second acte et joue parfois en sous régime. Ni les effets de mise en scène inventifs, ni les comédiens ne sont en cause. Seules quelques coupes textuelles en perturbent la bonne marche, celle implacable de Feydeau.
La grande force de ce spectacle tient surtout au casting de rêve. Micha Lescot, prête avec malice, sa silhouette dégingandée, à ce pauvre Petypon. Léa Drucker, sa belle présence, à la Môme Crevette. Mais c’est dans les seconds rôles, que le choix de Zabou Breitman se révèle fort judicieux. Irradiante jusqu’à l’aliénation, Anne Rotger, coiffée d’une perruque improbable, est impayable en Gabrielle Petypon. Quant à André Marcon, il se glisse avec fantaisie et un malin plaisir, dans la peau du vieux militaire, l’oncle à héritage.
Définitivement, monter Feydeau n’est pas aisé, Zabou Breitman sauve la mise et offre aux spectateurs un divertissement de qualité qui fait oublier sur le fil les petits couacs, les légères fausses routes. Un show théâtral qui mérite d’être vu, salué et applaudi.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La dame de chez Maxim de Georges Feydeau
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin
75010 Paris
A partir du 10 septembre 2019
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi 20h30et le dimanche 16h
Durée 1h45 environ
Mise en scène de Zabou Breitman assistée de Pénélope Biessy
Avec Léa Drucker, Micha Lescot, André Marcon, Christophe Paou, Eric Prat, Anne Rotger, Valérian Béhar-Bonnet, Philippe Caulier, Ghislain Decléty, Solal Forte, Constance Guiouillier, Pierre-Antoine Lenfant, Damien Sobieraff, Pier-Niccolò Sassetti.
Musique de et avec Reinhardt Wagner
Son de Léonard Françon
Décors d’Antoine Fontaine assisté de Adrien Dauvillier
Costumes d’Elsa Pavanel
Lumières de Stéphanie Daniel
Chorégraphie de Madlyn Farjot
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez