Deux êtres que tout oppose, deux âmes qui n’auraient jamais dû faire connaissance, entrent en collision et ça fait des étincelles. S’appropriant le texte doux-amer de Maryline Bal, Pascal Faber et Bénédicte Bailby signent une pièce pleine de fraicheur, de justesse qu’épice joliment la lumineuse Amélie Etasse et l’épatant Xavier Lemaire.
Il fait chaud, on est le 14 juillet. Sur le parvis d’une petite gare de province, un homme en costume s’impatiente. Le train qu’il devait prendre est coincé en raison d’une grave panne technique. Pas le choix, contre mauvais fortune, de bon cœur, il fait escale dans cette bourgade qui s’apprête dans quelques heures à célébrer, comme il se doit, la fête nationale. Son téléphone ne cesse de sonner, il ne répond pas. Le visage fermé, renfrogné, il fait fuir le moindre quidam qui aurait l’impudence de lui demander son chemin.
Curieuse, joviale, une jeune femme, robe printanière, ne résiste pas à l’envie de questionner ce bougon, ce bourru taciturne. Rien n’y fera, n’y ses rebuffades, ni ses gros yeux coléreux, ni ses mouvements d’humeur. Elle percera la carapace à ses risques et périls. L’un semble avoir tout réussi, mais une faille fissure le trop beau tableau de la réussite ; l’autre, trop gaie, trop virevoltante, vit dans un rêve, un mensonge faute de pouvoir affronter une réalité trop cruelle, trop triste. Libérant chacun ses fantômes, le poids trop lourd qui appuie sur sa poitrine, cette solitude qui le ronge, ils vont en confiant leurs désespoirs, leurs doutes, peut-être enfin trouver la paix intérieure ?
Ciselant les dialogues, plongeant dans les méandres de l’âme humaine, Maryline Bal signe une pièce délicate, drôle, amère. Plus abouti(e) que son Chant des Oliviers, qui devait pas mal aux interprètes, elle saisit le spectateur sans chercher d’effet, juste par ce récit de vies touchant, bouleversant. S’appuyant sur un décor quelque peu bucolique, un banc, un cerisier, Pascal Faber et Bénédicte Bailby soulignent par leur mise en scène sobre, à peine surlignée, toute l’humanité de cette improbable et extraordinaire rencontre.
Mais la grande force de cette sympathique histoire, et sans conteste, le choix des comédiens. En grincheux au cœur tendre, Xavier Lemaire est tout simplement fantastique. Sa haute stature, imposante, finit par laisser place à sa bonhommie naturelle. Quel bonheur. Face à lui, Amélie Etasse, une vraie nature, s’amuse follement. Tout d’abord espiègle, farfelue, comme on a l’habitude de la voir sur le petit écran, elle glisse avec virtuosité vers le drame. Tragédienne, elle surprend, attrape, arrache des larmes. Une révélation, une rencontre avec une comédienne admirable qu’on espère revoir rapidement sur les planches.
N’hésitez pas faites Escale au théâtre des Corps-Saints, laissez-vous embarquez sur la montagne russe des sentiments ! une bluette faussement légère qui rafraichit agréablement en ces temps de canicule.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Escale de Maryline Bal
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre des Corps-Saints
76, place des corps saints
84000 Avignon
Jusqu’au 28 juillet 2019 à 19h00
Durée 1h15
Mise en scène de Pascal Faber et de Bénédicte Bailby
avec Xavier Lemaire et Amélie Etasse
Crédit photos © Pascal Faber