S’intéressant au phénomène de disparition volontaire, Cédric Orain met des mots sur les silences, sur l’absence. Offrant une tribune à ceux qui restent, il esquisse la litanie d’une mère, sa souffrance, son vide intérieur. Un récit de vie lancinant que rend incandescente l’interprétation de Laura Wolf.
Dans la pénombre, son visage fermé, triste, apparaît. Coiffure stricte, yeux légèrement rougis, Claire Brunet (extraordinaire Laura Wolf) se présente. Sa voix est faible, son ton est monocorde. Elle semble totalement vidée de toute substance vitale. Un ultime lien la retient à la vie, l’espoir un jour de retrouver son fils disparu.
Écrit comme un interrogatoire, un entretien, ce seul-en-scène cherche en vain dans la mémoire de cette femme prématurément vieillie, les réponses au départ volontaire de Vincent, adolescent sans problème, un jour d’été de 1973. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, le mari est mort, épuisé par des années passées sur les routes en quête d’un indice, d’une piste, laissant Claire, seule avec ses regrets, ses remords, son chagrin.
Avec délicatesse, pudeur, Cédric Orain donne corps au silence, aux non-dits. Loin de tout sensationnalisme, il dresse le portrait d’une femme que rien ne peut plus atteindre. S’inspirant d’un fait divers, d’une statistique qui fait froid dans le dos – chaque année pas moins de 250 personnes s’évaporent en France, sans jamais ne plus donner signe de vie – , il conte le ressenti de ceux qui restent face à l’incompréhension, le néant. Il dépeint cette sensation qui les envahit où s’entremêlent espoir et désespoir, souvenirs réels et fantasmes d’une existence qu’il espère forcément meilleure.
S’emparant de ce texte ciselé, poétique, Laura Wolf n’essaie pas de lui donner une couleur particulière autre que celle d’une voix sans âge, à bout de force, dans la nuit. Présence singulière, fascinante, la comédienne ne cherche pas à tirer les larmes, juste à faire entendre les maux de cette mère, son incapacité à faire le deuil, à passer à autre chose, même 40 ans plus tard.
Parfois on aimerait un sursaut, une colère salvatrice, il n’en est rien. Il est trop tard, elle n’a plus la volonté de se battre contre de fausses chimères. Inlassablement, elle attend nimbée par les lumières de Pierre Nouvel. L’espace, sorte de mausolée du vide, de l’absence, prend ainsi imperceptiblement vie.
Donnant aux ombres du passé un place majeure, sans pour autant condamner l’avenir, Cédric Orain signe avec Disparu, un spectacle délicat, qui touche au cœur. Légèrement resserré, il éviterait l’écueil de la monotonie qui pourrait tendre à s’installer et gagnerait en puissance, en réalité lyrique, en beauté.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Avignon
Disparu de Cédric Orain
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du Train Bleu
40, rue Paul Saïn
84000 Avignon
Jusqu’au 24 juillet 2019 à 13h45
Durée 1h10
Mise en scène de Cédric Orain
Avec Laure Wolf
Scénographie et Création lumière de Pierre Nouvel
Musique de Manuel Peskine
Costume de Sophie Hampe
Régie générale de Théo Lavirotte
Crédit photos © Manuel Peskine