Comme à son habitude, avec générosité, humilité, Virginie Lemoine est là derrière le rideau qui obstrue l’entrée de la salle. Elle a un petit mot pour tout le monde. Elle veille à ce que tous les spectateurs soient bien installés, que les retardataires ne gênent pas le début du spectacle. Tout va bien. Elle s’assoie dans la salle. Un dernier coup d’œil, le noir, c’est parti.
Sur un étroit canapé en cuir fauve, une femme (éblouissante Valérie Zaccomer) lit. Elle est blonde, elle est belle. Derrière le masque de plénitude qu’affiche son visage, un léger voile de tristesse à peine perceptible brouille un temps ses traits. Le sourire revient. Sur sa gauche, dans un espace séparé, son fils (époustouflant Alexandre Faitrouni) apparait. Malgré le temps, la distance, il y a entre ces deux-là, un lien unique, une relation étroite, un amour incommensurable.
Elle se souvient de sa naissance, raconte quelques anecdotes sur enfance, la famille. Il se souvient de détails, d’une odeur, d’une chaleur humaine. Les années passent. Il grandit. Il n’est pas bien dans sa peau. Elle le couve. Elle se laisse porter par la vie entourée de son mari, de ses deux fils. La maladie s’installe, un cancer caché en son sein. La peur, le déni, les angoisses. Elle ne sait pas si elle a l’envie de se battre. Fort, il est là. La soutient. En parallèle, il découvre son corps, son amour pour les garçons. Chacun à sa manière suit son chemin et apprend à vivre.
Un hymne à la vie
Avec finesse, Stéphane Corbin entremêle les deux récits, celui de la mère malade, celui du fils qui explore sa sexualité, les fêlures de son adolescence. Ils les entrecroisent, les entrechoquent. Et par-delà le deuil, la mort, ces deux êtres se parlent, confient leurs tourments, leurs doutes. Plus forte que tout, cette relation avortée perdure dans le temps, comme un fil de tendresse, d’amour. Entre rêve, réalité et réminiscence d’un passé encore douloureux, il creuse une histoire singulière, unique, un roman poignant que viennent ponctuer, souligner ses compositions, ses chansons.
Avec beaucoup de simplicité, d’intelligence, Virginie Lemoine s’empare de ce texte fort pour lui donner vie. Elle cisèle, avec son complice et frère Grégoire Lemoine, un écrin épuré et laisse les émotions coulées, filtrées jusqu’aux spectateurs, traversant leur carapace faisait vibrer leur palpitant, couler les larmes.
Entre joie, humour et drame, Nos années parallèles saisissent, émeuvent, bouleversent. Le jeu plein de douceur de Valérie Zaccomer, et celui plus espiègle d’Alexandre Faitrouni, attrape le public, pour ne plus le lâcher. Conte initiatique, hymne à la vie, à l’amour, cette pièce musicale est un petit bijou délicat, un moment de grâce suspendu dans un monde de brutes.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Avignon
Nos années parallèles de Stéphane Corbin
Théâtre des Mathurins
36 rue des Mathurins
75008 Paris
Du 4novembre 2024 au 6 janvier 2025
Durée 1h10
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre Buffon
18 rue Buffon
84000 Avignon
Jusqu’au 28 juillet 2019 à 16h20 (relâches le 8, 15 et 22 juillet 2019)
Durée 1h15
Mise en scène de Virginie Lemoine
Avec Valérie Zaccomer, Alexandre Faitrouni et au piano Stéphane Corbin
Costumes de Julia Allègre
Chorégraphie de Wilfried Bernard
Création lumières de Denis Koransky
Décor de Grégoire Lemoine
Régie d’Allan Hove
Crédit photos © Ginnie Nonne