S’emparant du Burn out, un sujet de société majeur, mais toujours tabou, Alexandre Oppecini croque avec cynisme le monde de l’entreprise. Malgré quelques ellipses de temps et quelques raccourcis, il signe une tragicomédie acérée dont l’adaptation scénique vaut tout particulièrement pour le jeu intense et ciselé d’Antoine Gouy.
Beau, jeune, Alexandre (Antoine Gouy) est un cadre dynamique de banque qui croque la vie à pleines dents. Heureux en amour, tout lui sourit. A part un salaire loin d’être mirobolant, aucune ombre ne semble planer sur son existence. Tout bascule, le jour où son supérieur se suicide. Placé à la tête du service dans lequel il végète depuis des années, de manière temporaire, afin de finir la mission qui doit permettre de révolutionner et simplifier les transactions des plus gros clients de la banque, l’euphorie le gagne. Elle est de courte durée.
Rapidement, il découvre l’enfer. Ses collègues, avec qui il a toujours entretenu de bons rapports, font le moins possible pour lui faciliter la tâche et le plus souvent de mauvaises grâces voire lui mettent des bâtons dans les roues. Sa hiérarchie est de plus en plus pressante, oppressante. Journées à rallonge, week-ends avortés, passés à travailler, sueurs froides, le cauchemar de son enfance refait surface. Le T-Rex de Jurassic Park qui hantait ses nuits jadis, est là tapi dans l’ombre, prêt à le dévorer. Tout part à vau l’eau. La dépression le guette, la folie.
Avec force détails, pour l’avoir vécu de prêt lorsqu’il était lui-même cadre dans une banque, Alexandre Oppecini fait le récit d’une dépression, celle d’un jeune homme confronté à un management du travail inhumain et sans âme. Tout y est, les doutes, la peur de ne pas y arriver, l’angoisse, l’irascibilité, le lâcher-prise, la vie personnelle en vrac, la folie. On peut toutefois regretter que pour des facilités d’écriture, l’action ne se passe que sur quelques semaines. Le burn out est plus insidieux. Il met des mois à s’installer. Il prend son temps. Ses ravages sur la santé sont plus sournois.
Toutefois, il faut saluer l’interprétation d’Antoine Gouy, qui sous la direction très cadrée de Marie Guibourt, donne corps à ce mal du siècle qui gangrène les rapports humains en entreprise, l’ancre dans la réalité. Virevoltant, fougueux, dément, il ne fait plus qu’un avec Alexandre, et fait de ce drame, une tragicomédie percutante, plutôt enlevée, qui a le mérite de sortir de l’ombre cet état d’épuisement trop souvent nié.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
T-Rex, chronique d’une vie de bureau ordinaire d’Alexandre Oppecini
Festival d’Avignon le OFF
Théâtres des Carmes – André Benedetto
6, place des Carmes
84000 Avignon
Jusqu’au 28 juillet 2019 à 16h50
Durée 1h20
Reprise saison 2020-2021
Mise en scène de Marie Guibourt
Avec Antoine Gouy
Lumières et décor de Lucie Joliot
Costumes de Claire Risterucci
Régie de Damien Dufour
Crédit photos © Julien Ginoux