Dans la pénombre, une silhouette apparaît. Un faisceau de lumières éclaire le visage juvénile d’un jeune homme (épatant Hugues Jourdain). Dans sa chambre, face à un micro qui amplifie sa voix, il livre le récit cru, sans fard, de sa vie de gay parisien. Comme un poisson dans l’eau, il navigue dans les eaux troubles d’une communauté qui a ses codes de rencontres, ses lieux de drague, ses pratiques sexuelles.
Haut fonctionnaire le jour, Guillaume Dustan est un oiseau de nuit, un obsédé, de la baise, celle qui lui fera oublier son quotidien pépère, sa solitude, son manque d’amour réciproque. Tout est bon pour le coup du siècle, celui qui le mènera au 7ème ciel. Sado-masochiste à ses heures, pratiquant le hard, mais ne refusant pas les parties de jambes en l’air plus classiques avec des bouts de sentiments dedans. Si le sida, ses morts, planent comme une ombre noire au-dessus de ses relations d’un soir, de ses histoires de cœur, rien n’arrête ce besoin viscéral de combler le vide en surconsommant drogue et sexe.
D’un plan cul à un autre, du grand amour de sa vie, totalement schizophrène, à un amant de passage, notre gay en goguette creuse le sillon de sa vie, jusqu’à la lie, jusqu’à l’épuisement. Sans pudeur aucune, sans limite, il s’épanche, ne nous épargne rien de ses tourments, de ses parties fines, de ce qui le fait bander, triquer, le sexe sans capote.
S’emparant de ce premier roman, Hugues Jourdain signe un spectacle fort, puissant qui non seulement s’ancre dans une époque, mais révèle aussi les failles d’une communauté gay contemporaine qui se bat toujours pour exister, pour affirmer sa place au sein de la société. Certes, le sida ne tue plus, mais la solitude, les plans culs à répétition, les coups de foudre d’un soir, qui s’évaporent au matin. À peine sortie du Conservatoire, le jeune comédien livre une adaptation brillante de ce récit autobiographique, une interprétation habitée de Dustan l’auteur, l’homme non le polémiste, le provocateur invité pour donner du piment aux émissions d’Ardisson le samedi soir.
Saluons l’audace de Jean Robert-Charrier directeur du Petit-Saint-Martin de programmer ce spectacle intime, hard, interdit au moins de 16 ans, d’encourager le talent brut de cet artiste de 23 ans. Hugues Jourdain, retenons ce nom, brûle les planches en nous invitant Dans sa chambre et se mettant en nu. Bravo !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dans ma chambre de Guillaume Dustan
Festival OFF Avignon
Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Saïn
84000 Avignon.
Du 3 au 21 juillet 2024 à 21h55, relâche les 8 et 15 juillet.
Durée 1h15.
Théâtre du Petit-Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 Paris
à partir du 25 mai 2019.
Adaptation, mise en scène, interprétation d’Hugues Jourdain
Création musicale d’Exitt & Samuel Hecker
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage