Mettant sous les feux des projecteurs Claudette Colvin, personnage méconnu de la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis, Tania de Montaigne livre le portrait sensible bien que trop didactique d’une adolescente qui, un jour de mars, quelques mois avant Rosa Parks, refusa de céder sa place à une Blanche dans un bus de Montgomery, Alabama. Oubliée de l’histoire, elle n’en est pas moins essentielle.
Une voix douce, posée, celle de Tania de Montaigne, invite à se relaxer. Musique d’ambiance, image subliminale, tout est fait pour mettre en condition, pour quitter Paris, sa grisaille, sa pluie de juin et de se glisser imperceptiblement dans la peau noire d’une jeune fille de 15 ans, en mars 1955 à Montgomery, Alabama.
Sans jamais changer de ton, toujours avec un calme olympien, l’auteure, qui monte pour la première fois sur les planches, convie les spectateurs à un étonnant voyage géographique, ethnique autant qu’historique. Les mots tout juste susurrés décrivent parfaitement l’ambiance, les vidéos défilant sur les différentes toiles tendues du sol et plafond, unique élément de scénographie, viennent appuyer, trop parfois, le propos.
Malgré la guerre de sécession, la défaite, les Etats du sud de l’Amérique du nord, qui constitue la Coton belt, font toujours la distinction entre blanc et noir. Dans ce contexte tendu, que vaut la parole d’une adolescente, noire de surcroit dans les années 1950 ? Peu de chose. Et pourtant, Claudette Colvin va à sa manière amorcer une révolution qui aura pour conséquence la fin de la ségrégation raciale.
Oubliée au profit de son ainée, l’iconique Rosa Parks, elle n’en pas moins à 79 printemps une figure d’un mouvement sans précédent qui a marqué profondément les Etats-Unis et fait vaciller les vieilles règles sudistes. En réhabilitant, cette gamine, qui n’avait rien d’une enfant rebelle, la comédienne en herbe habite avec beaucoup de grâce l’espace scénique imaginé par Laurence Fontaine.
On peut, toutefois regretter le ton professoral, didactique du début, même s’il a une vocation nécessaire, l’identification. Il est toutefois dommage que le trop plein d’images, la mise en scène usant et abusant d’effets superflus de Stéphane Foenkinos, viennent plomber son adaptation fort réussie du roman féministe et engagée de Tania de Montaigne.
Si en ce soir de première, la fébrilité touchante qui régnait sur le plateau, donnait aux petits défauts, une puissance émouvante, captivante, le spectacle mérite d’être resserré, affiné afin de faire entendre haut et clair la voix soul de cette adolescente qui un jour a dit stop.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Noire d’après « Noire – La Vie méconnue de Claudette Colvin » de Tania de Montaigne
Salle Jean Tardieu – Théâtre du Rond-Point
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
jusqu’au 30 juin 2019
Du mardi au dimanche à 18h30
Durée 1h05
Adaptation et mise en scène de Stéphane Foenkinos assisté de Joseph Truflandier
Avec Tania de Montaigne
Scénographie de Laurence Fontaine
Lumièresde Claire Choffel-Picelli
Vidéode Pierre-Alain Giraud
Voix additionnelles de Lola Prince et Stéphane Foenkinos