Du 16 au 25 mai 2019, le festival Ambivalence(s) initié en 2011 par la Comédie de Valence invite les spectateurs curieux à découvrir de nouvelles écritures théâtrales à travers des textes contemporains comme ceux d’Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature en 2004, de romans, d’œuvres ovniesques. Dans différents lieux de la ville, classiques ou insolites, les artistes, programmés pour cette neuvième édition, font vaciller les réalités et interrogent le monde sur ses dérives, ses inégalités.
Le temps est printanier. Le soleil brille dans les rues de la cité valentinoise. Sur la place de la Comédie, lieu central de la manifestation, la fête bat son plein. La musique jouée en live par es groupes qui se succèdent, donne à l’ensemble des airs d’été avant l’heure. Dans une sympathique convivialité, les festivaliers échangent leurs impressions sur les spectacles vus, cinq en tout, sur les films, les différentes performances et attractions proposés tout au long de ces dix jours que dure Ambivalence(s).
Pas le temps de lézarder, Le Théâtre de la Ville, à deux pas, attend les spectateurs, désireux de se plonger dans l’appartement seventies, qui sert de décor à Y a pas grand chose qui me révolte pour le moment, pièce barrée, conçue et jouée par la compagnie belge Clinic Orgasm Society et Alexis Armengol du Théâtre à cru. Laissez dehors vos certitudes, c’est dans un autre univers que les comédiens, Alexis Armengol, Ludovic Barth et Mathylde Demarez particulièrement en verve, vous convient. Dans un pêle-mêle d’idées à en donner le tournis, maladies, zombies, homosexualité dans le placard, retour du frère prodige, etc., passant de la réalité à la fiction, des coulisses, cachées derrière un papier-peint orange flashy, à la scène, exposée à la vue de tous grâce à un dispositif quadri frontal, l’esprit du public est balloté entre rires, perplexité et consternation. Se démenant comme des diables, les artistes envahissent l’espace sans totalement nous embarquer dans l’absurdité de leur propos, dans ce récit sans queue ni tête. Un show tout feu tout flamme, mixant tant bien que mal humour surréaliste belge et autodérision à la française, déconcertant il en séduira certains et en laissera d’autres sur le pas de la porte.
A peine le temps de se rafraîchir, de se sustenter, que des navettes attendent pour conduire une centaine de personnes sur le lieu tenu secret de la dernière création de la jeune metteuse en scène, Mathilde Delahaye. Changement d’atmosphère, après un trajet d’une quinzaine de minutes, c’est dans une sorte de friche industrielle en bordure du Rhône que s’arrête le chemin et commence une aventure singulière, fascinante. Entre tas de gravats, silos de béton et cabanes de chantier taguées, une étrangeté, un piano abandonné là, accueille le petit groupe d’arrivants égrenant des notes nostalgiques, ensorcelantes. Alors qu’un léger mistral souffle, la magie opère. La plongée âpre, profonde dans les pensées satiriques, corrosives d’Elfriede Jelinek se fait tout naturellement. Avec un humour froid qui force le trait sur le machisme de nos sociétés occidentales, la dramaturge autrichienne dépeint, non sans cynisme, avec beaucoup d’intelligence les rapports entre hommes et femmes. Les uns sont des bêtes musculeuses ne pensant qu’à l’apparence, les autres des vampires, des individus incomplets.
S’amusant de ce second degré, de cette vision noire du monde, Mathilde Delahaye en tire une fable moderne, burlesque, absurde absolument délicieuse. S’inspirant d’artistes comme David LaChapelle ou Jeff Wall, envahissant l’espace public, elle entraîne, ses comédiens professionnels (Pauline Haudepin, Déa Liane, Julien Moreau et Blaise Pettebo) et amateurs, dans une sorte de revival de sitcom surjouée « so eighties ». Contre toute attente, la sauce prend. Univers décalé, tableaux singuliers à la beauté surexposée, sons mixés, les mots frappent, le message passe. On ressort séduit par cette prestation insolite, cette performance fantasmagorique, déjantée, oubliant les petites fausses notes dues notamment à l’immensité du plateau, le regard du spectateur ne pouvant l’embrasser dans sa totalité. Avec Maladie ou femmes modernes, la nuit déjà bien entamée, promet d’être certes agitée de questionnements, mais terriblement passionnante.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Valence
Festival Ambivalence(s)
Comédie de Valence
Place Charles Huguenel
26000 Valence
Du 16 au 25 mai 2019
Y a pas grand chose qui me révolte pour le moment de la Clinic Orgasm Society et de théâtre à Cru
Théâtre de la ville
Place de la Liberté
26000 Valence
Jusqu’au samedi 25 mai 2019
Durée 1h15
Festival d’Avignon le Off
La Manufacture – Patinoire
2 rue des écoles
84000 Avignon
Du 5 au 25 juillet 2019 à 15h35.
Relâches les 11 et 18 juillet.
Durée 1h 45 environ temps de trajet en navette compris
Conception, réalisation, interprétation d’Alexis Armengol, Ludovic Barth & Mathylde Demarez
Création son de Benjamin Dandoy
Création lumières de Rémi Cassabé
Construction de Didier Rodot
Effets spéciaux de Rebecca Flores
Régie son d’Alexandre Hulak
Régie lumière de Paul Berthomé
Maladie ou femmes modernes (comme une piéce) d’après l’œuvre éponyme d’Elfriede Jelinek
Départ place de la comédie à Valence
Jusqu’au 25 mai 2019
Durée 1h15 environ
Théâtre Olympia
Au magasin général de Saint-Pierre-Des-Corps
Du 11 au 14 juin 2019 à 22h00
Mise en scène et Dramaturgie de Mathilde Delahaye assistée de Blanche Adilon
Avec Pauline Haudepin, Déa Liane, Julien Moreau et Blaise Pettebone et la participation d’Astrid Boekholt, Mathilde Chopard, Franck Grosjean et Elina Latapy
Scénographie d’Hervé Cherblanc
Création lumière et régie générale de Sébastien Lemarchand
Création sonore et musique de Félix Philippe
Costumes de Léa Perron
Régie plateau de Marion Koechlin
Crédit photos pour Maladie ou femmes modernes © Jean Louis Fernandez et pour Y pas grand chose qui me révolte en ce moment © Alice Piemme