De mai à juin, la metteuse en scène angevine, Nathalie Béasse prend la Bastille pour retracer les grandes étapes créatrices de sa carrière. De son adaptation de Richard III de Shakespeare à sa reprise poétique sur des airs de Mahler du Bruit des arbres qui tombent, en passant par des extraits de sa pièce à venir Aux éclats, elle invite à plonger dans son univers burlesque qui touche au cœur.
Le théâtre de la Bastille clôture sa saison avec OCCUPATION 3. L’idée de ce projet est de proposer à un artiste, avec qui des liens ont été tissés depuis de nombreuses années, d’investir les lieux, le temps nécessaire pour appréhender une vision globale de son travail. Après Tiago Rodrigues en 2016 et le collectif L’Avantage du doute, l’année dernière, c’est à Nathalie Béasse, partenaire depuis presque 10 ans de cette scène située rue de la Roquette, de s’installer dans les murs pendant plus d’un mois.
L’occasion lui est offerte de revisiter chrono-logiquement son répertoire, où la nature, les histoires de famille ont une place prépondérante. Cette immersion dans l’acte créatif et l’esthétisme singulier de la metteuse en scène permet d’appréhender sa conception du spectacle vivant, oscillant entre théâtre, arts plastiques, danse et performance où la matière tient une place prépondérante.
Après Happy Child, créé en 2008 et Tout semblait immobile en 2013 qui viennent d’être remontées dans le cadre de cette manifestation, c’est autour de Roses, une adaptation très libre de Richard III de Shakespeare, de reprendre le chemin des planches. S’emparant de cette comédie dramatique sur le pouvoir, Nathalie Béasse en déstructure le texte pour s’attacher à des caractères, des atmosphères, des ambiances où les personnages se déchirent dans un ballet burlesque, hautement physique.
Une comédienne roule lentement sur une table de banquet. Comme par magie les verres se remplissent de vin quand ses lèvres les effleurent. De la salle, six de ses compagnons surgissent, la rejoignent afin de porter un toast. A la première gorgée, ils doutent, se décomposent, se tordent. Poisons ou stigmates de la guerre des deux-Roses, qui oppose violement, durant près de 30 ans, les Lancastre et les York, tout est possible. Entremêlant les scènes, réécrivant à sa sauce loufoque l’histoire de ce roi contrefait et avide de sang, Nathalie Béasse entraîne le public au cœur de la folie humaine.
Grâce à une scénographie dépouillée laissant la place à l’imaginaire et permettant de jouer sur les espaces, les saynètes se juxtaposent rapidement, avec une précision millimétrée donnant à l’ensemble une rythmique burlesque des plus savoureuses. Rires et larmes se succèdent dans un tourbillon émotionnel déchaîné. Si la magie opère, si on se laisse porter par ce drame historique revisité avec humour décalé et onirisme déjanté, l’interprétation au cordeau des sept acteurs y est pour beaucoup. Ne ménageant pas leur peine, ils passent d’un rôle à l’autre avec aisance et virtuosité, se fondent dans l’esthétisme de Nathalie Béasse en soulignant sa pâte unique, captivante, et font vibrer son écriture certes insolite mais tellement rafraîchissante.
En un mot, N’hésitez pas à (re)découvrir les œuvres de cette artiste totale à l’imagination débordante. Coups de cœur garantis !
Florence Pons
Dans le cadre d’occupations 3
Théâtre de la Bastille
Roses du 21 au 25 mai
Le bruit des arbres qui tombent du 3 au 7 juin
Aux éclats… du 19 au 28 juin
work in progress
Soirée de clôture 29 juin
Mise en scène de Nathalie Béasse
Avec Sabrina Delarue, Etienne Fague, Karim Fatihi, Erik Gerken, Béatrice Godicheau, Clément Groupille, Anne Reymann
Crédit photos © Wilfired Thierry