Dans le cadre du festival SÉQUENCE DANSE PARIS du CentQuatre, Olivier Dubois présente sa dernière création Tropismes, troisième opus de son projet autour de la Divine comédie. Entre danse transcendantale et immersion dans le monde du « Clubbing », il pousse à l’épuisement les corps de ses huit danseurs virtuoses. Une pièce de chair intense, envoûtante, qui manque toutefois d’un souffle dramatique pour totalement emporter jusqu’au bout de la nuit.
Fond de scène, côté jardin, sur une haute estrade, le compositeur François Caffenne, complice de longue date d’Olivier Dubois, fait chauffer les platines et frémir sa table de mixage. Il domine la piste de danse, une immense dalle faite d’une vingtaine de carreaux noirs brillants. Autour dans la pénombre, tels des spectres vêtus de noir, les huit interprètes s’échauffent, se préparent à envahir l’espace, à lui donner vie à le faire vibrer au diapason de leurs corps survoltés.
L’obscurité se fait. C’est parti. Les notes résonnent dans l’immense salle, nimbée d’une lumière diffuse. Entraînés par des rythmiques éléctro dont ne sont audibles que les beats, l’un après l’autre, les danseurs du chorégraphe prennent lentement possession de la scène. Ils l’envahissent de leur présence, de leur pas allongés, saccadés. Les gestes sont amples. Le tempo s’accélère. Les mouvements se font plus rapides, hypnotiques. Les bras fendent l’air formant de belles arabesques. La transe n’est pas loin. La piste se vide de ses habitants. C’est un premier round, une mise en bouche.
Enchaînant les morceaux musicaux, les styles, François Caffenne invite les huit interprètes d’Olivier Dubois à défier la fatigue, à se jeter à corps perdu dans la danse. Aucun ne se ménage, tous se donnent entièrement à cette singulière expérience, cette immersion dans un « clubbing » fou comme s’il y avait une urgence vitale à être sur scène, à continuer coûte que coûte à onduler, suivre la rythmique imposée par les platines. Et clairement, les gradins tremblent, tressautent dans le besoin de les rejoindre, de rentrer en communion avec eux se fait pressante. C’est la grande force de Tropismes.
Faisant référence au phénomène biologique, où un stimulus externe physique ou chimique entraîne une réaction de changement d’orientation d’un organisme végétal, Olivier Dubois imagine un groupe d’individus guidés par l’instinct de survie, cherchant la lumière dans les ténèbres de la nuit. Plaçant ses danseurs dans des configurations à chaque fois différentes, il les oblige à réinventer une sorte d’échappatoire solidaire qui passe par la transe, l’union de leurs forces. Se frôlant, s’entremêlant, les corps tendus s’embrasent jusqu’à l’épuisement extrême.
L’ensemble est séduisant, envoûtant, mais il manque, au-delà de la troublante et magistrale performance, une dramaturgie qui viendrait souligner l’écriture ciselée, itérative, intense d’Olivier Dubois. Un bémol, qui sans gâcher le plaisir de voir Cyril Accorsi, Marie laure Caradec, Steven Hervouet, Aimée Lagrange, Sophie Lèbre, Sébastien Ledig, Vianney Maignan et Sandra Savin, tous excellents, déçoit à la marge. Le geste chorégraphique de l’artiste colmarien n’a certes rien perdu de sa verve, de sa fièvre vitale, mais n’a pas l’intensité éblouissante, incandescente de Tragédie.
Ballet noir sur fond de « dancing » ultra « hype », Tropismes séduit les fidèles de Dubois, tous debout à la fin, et laisse sur leur faim les plus exigeantes. A chacun de voir !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Tropismes d’Olivier Dubois
Centquatre Paris
5, rue curial
75019 Paris
Jusqu’au 1eravril 2019
Durée 1h40
chorégraphie d’Olivier Dubois
avec Cyril Accorsi, Marie laure Caradec, Steven Hervouet, Aimée Lagrange, Sophie Lèbre, Sébastien Ledig, Vianney Maignan, Sandra Savin & François Caffenne
assistante artistique : Karine Girard
compositeur & interprète : Francois Caffenne
guitariste interprète : Thomas Ricou
régie son de Jean-Philippe Borgogno
lumières de Emmanuel Gary
costumes de Laurence Chalou
notation chorégraphique de Estelle Corbière
Crédit photos ©François Stemmer