C’est parti pour 3 mois de spectacles de danse, de résidences et de cinéma à travers 7 hauts lieux de la culture à Paris. A l’initiative de l’Institut du monde arabe, la première édition du Printemps de la danse arabe vient d’être lancée avec un programme qui met en avant la liberté de ton d’une jeunesse qui met le corps dans tous ses états.
En cette fin d’après-midi dominicale, les derniers rayons du soleil éclairent d’une couleur mordorée la magnifique façade de l’Institut du monde arabe imaginée par Jean Nouvel. L’image reste gravée un temps sur nos rétines. La magie opère. Une quiétude, un apaisement loin des bruits de la ville gagne le badaud, le visiteur, le spectateur. Il est temps de plonger dans l’antre du bâtiment, de gagner au sous sol l’auditorium.
Le public s’installe, les conversations vont bon train. Puis, le silence gagne la salle. Le noir se fait. Tous les regards se tournent vers la scène éclairée d’une lumière rasante. On ne distingue des corps des danseurs que leurs pieds, leurs mollets. Ils marchent à pas cadencés, quadrillent l’espace, se rencontrent parfois, se frôlent avant de se séparer. Répétant ainsi à plusieurs reprises ce rituel, Salma Salem et Aly Khamees apparaissent enfin dans la lumière. Les visages esquissent parfois un sourire, mais semblent totalement concentrés sur leur partition, qui a tous les signes annonciateurs d’une parade amoureuse. Renvoyant à la culture de leur pays, l’Egypte, aux convenances sociétales, où les rapprochements ne peuvent être que clandestins, se faire par touches délicates.
S’appuyant sur le beau travail de lumières jouant sur les clairs-obscurs, le duo invite à une plaisante balade sur une carte du Tendre très contemporaine, qui manque encore de chair pour toucher tout à fait. L’écriture brute, encore trop dans l’exercice de style, de ce Walking de Shaymaa Shoukry, conçu en 2014 mériterait d’être polie, ciselée pour emporter le spectateur vers d’autres rives. D’autant que la présence lumineuse, l’engagement total des deux artistes présagent d’une belle promesse à venir.
Après une courte pause, portant débardeur et short blanc, Noura Seif, seule en scène, trémousse son corps, fait tressaillir chacun de ses muscles au rythme des beats. Tout branle, tremble, elle ne fait plus qu’un avec la musique et libère sa lumière intérieure. Danseuse du ventre, guerrière, boxeuse, elle est toutes les femmes, les aguicheuses, les combattantes. Les mouvements sont amples, les gestes saccadés. À l’infini, elle reprend le même motif jusqu’à la transe, à l’hypnose.
Son écriture ciselée, précise, radicale, fascine, enchante. Elle préfigure déjà l’artiste en devenir, riche de sa culture et de son envie impérieuse de dépasser les codes de la société égyptienne. Créée la même année que la pièce précédente, Portray est plus aboutie, plus fluide. Elle emmène le spectateur vers un imaginaire mieux défini, l’emporte dans une folle farandole qui fait fi du genre.
Clôturant le programme d’ouverture de cette première édition du Printemps de la danse arabe, ces deux œuvres courtes de Shaymaa Shoukry donnent le ton. S’éloignant des danses folkloriques et traditionnelles orientales, le festival met à l’honneur la danse contemporaine venue de sept pays différents allant des Comores à la Palestine, du Maroc à l’Egypte. Mélangeant les disciplines artistiques, cette manifestation unique invite à un voyage à travers les cultures, l’évolution des mentalités, mais aussi des territoires parisiens. De Chaillot-Théâtre national de la Danse à l’Atelier de Paris / CDCN – JUNE EVENTS, en passant par le Centre national de la danse (CDN), le CENTQUATRE-PARIS, le Tarmac-La scène internationale francophone, Le Musée national de l’histoire de l’immigration et l’Institut du monde arabe, le public sera ainsi jusqu’à fin? juin transporté d’un lieu à l’autre, tissant les liens vers d’autres civilisations, d’autres regards sur le monde. N’hésitez pas jeter vous dans l’aventure et faites votre programme !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Printemps de la danse arabe#1
Portray et Walking de Shaymaa Shoukry (Égypte)
Institut du monde arabe
1 Rue des Fossés Saint-Bernard
75005 Paris
Présentation du 23 mars 2019-03-27 durée
1h00
Walking, Conception et chorégraphie de Shaymaa Shoukry
Interprétation et collaboration chorégraphique : Salma Salem et Aly Khamees
Composition musicale et production: Ahmed Saleh
Création lumière : Saber El Sayed
Produit par : Contemporary Dance Night 2018 – Dayer for artistic productions
Espace de répétitions : Ezzat Ezzat dance studio, Cairo Contemporary Dance Center, and studio Feryal
Portrtay, Conception et chorégraphie de Shaymaa Shoukry
Interprétation et collaboration chorégraphique de Noura Seif
Composition musicale et productionde Mohamed Shafik
Régie technique et création lumière deSaber el Sayed, Philipe Mounir
Production : Dayer for Artistic Productions
Espace de répétitions : Studio Feryal Cairo
Le programme entier en fonction des lieux:
L’Institut du monde arabe du 22 au 25 mars avec une sélection de 7 spectacles
Chaillot-Théâtre national de la Danse du 27 au 30 mars avec notamment Le Lac des Cygnes de Radhouane El Meddeb
Centquatre Paris du 11 au 30 mars avec une résidence de la chorégraphe égyptienne Shaymaa Shoukry
Le Tarmac-La scène internationale francophone les 17 et 18 avril avec Les Architectes de Youness Atbane et Youness Aboulakoum
Musée national de l’histoire de l’immigration le 19 avril avec Hafla, une performance du réalisateur Nabil Djedouani
Atelier de Paris-CDCN le 5 juin
CND Centre national de la danse du 17 au 28 juin avec l’accueil en résidence de l’École de danse de Sareyyet Ramallah