Au premier abord, l’association entre Arnaud Rebotini, grand DJ devant l’éternel, et Alban Richard, directeur du Centre chorégraphique national de Caen, peut surprendre. Il n’en est rien. Avec « Fix me », le musicien et le chorégraphe unissent leurs forces, leurs fougue, et signent un show techno percutant sur fond de prêche et de révolte. Fascinant !
Il y a foule à Chaillot, devant salle Firmin Gémier. Une fois le contrôle des billets passés, les spectateurs s’installent dans un brouhaha assourdissant, croisant dans les escaliers qui mènent à leur siège, des créatures étranges, lookées paillettes, short léopard ou combi aux motifs d’une bande dessinée. Sans que personne le sache, le show a déjà commencé. Le soulèvement des masses contre le diktat imposé par une société trop normée, trop consensuelle, gronde et ne demande qu’à exploser.
Les conversations vont bon train. Elles sont imperceptiblement recouvertes par les harangues bien senties de quelques prêcheuses noires pentecôtistes. Le son grouille, s’amplifie, semble sortir de toute part, à tel point qu’on ne sait plus d’où il vient. Un à un, les danseurs quittent les gradins pour rejoindre la scène. Chacun prend place sur un podium fait de plaques de carton. Accordant leurs gestuelles aux voix de ces femmes totalement habitées, emportées par leur conviction et qui tentent de convaincre leurs disciples, leurs mouvements se font saccadés, asynchrones. Face au public sans un regard pour les autres artistes, ils jouent tous, une partition différente, tous sont animés de la même rage, de la même exaspération.
Haute stature, cheveux gominés, moustache parfaitement lissée, costume trois pièces impeccable, Arnaud Rebotini, DJ dont la réputation n’est plus à faire dans le monde de la techno, connu du grand public pour être l’auteur césarisé de la bande originale du film 120 battements par minute et « guest star » du Bal Paramour, initié par le Fonds de dotation Link en profit de la lutte contre le VIH, qui se tiendra le 14 février prochain à la Mairie de Paris, fait son entrée. Même s’il en impose, il vient se placer entre les danseurs, sur la même ligne pour commencer à mixer.
Ce n’est que le début de la révolte. Bientôt, par un jeu de construction, déconstruction, facilitée par la légèreté des immenses plaques de carton, les spectateurs imaginent voir la Liberté guidant le peuple de Delacroix version techno ou Gavroche ayant troqué sa casquette pour un tee-shirt à sequins sur les barricades qui bloquent les rues de Paris pendant la Commune. Toujours en mouvement, portés par les beats de Rebotini, Aina Alegre, Mélanie Cholet, Max Fossati et Asha Thomas entraînent le public dans une transe des plus hypnotiques. Jouant sur les styles, les modes empruntés surtout au monde des nuits gays et queer, nos quatre artistes virtuoses guidés par Alban Richard réinventent tectonique, voguing et autres waacking.
Grand-messe, prêche pour plus de tolérance, ode à la différence, Fix me est une symphonie furieuse, un mix techno rap enragé, exalté, qui prend aux tripes et invite à entrer dans la danse.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Fix Me, une création d’Alban Richard et d’Arnaud Rebotini
Théâtre national de danse de Chaillot
1, place du Trocadéro
75008 Paris
Jusqu’au 2 février 2019
Durée 1h00
Tournée
Opéra De Rouen-Normandie le 26 mars à20h00
Le Volcan, Scène nationale du Havre le 2 avril à 20h30
Théâtre Louis Aragon, Scène conventionnée danse à Tremblay-En-France, hors les murs du CentQuatre, le 6 avril à 19h00
Maison de la Musique de Nanterre, le 18 avril à 20h30
Le Quai, CNDC Angers, le 14 juin à 20h00
Chorégraphie d’Alban Richard assisté de Daphné Mauger
Musique d’Arnaud Rebotini
Lumières de Jan Fedinger
Son de Vanessa Court
Costumes de Fanny Brouste
Dramaturgie d’Anne Kersting
Conseil en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé de Nathalie Schulmann
Créé et interprété par Aina Alegre, Mélanie Cholet, Max Fossati, et Asha Thomas
Régie générale et plateau d’Olivier Ingouff
Régisseur de tournée d’arnaud Rebotini : Simon-Pierre Tourette
Régie lumières de Lionel Colet
Réalisation Costumes : Yolène Guais
Crédit photos © Agathe Poupeney