Que sait-on des êtres illuminés qui croient en une union singulière, impalpable, entre dieu et les hommes ? Peu de chose en somme. Avec humour décalé, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre esquisse le portrait désopilant, touchant et introspectif d’un homme en quête de lui-même. Un récit burlesque et doux-amer d’un échec salvateur.
Sur scène dans une sorte d’appartement au design à la fois contemporain, spartiate et quelque peu suranné, signé Alexandre de Dardel, un jeune homme (Mathieu Genet), un brin hurluberlu, s’affaire. Il semble chercher quelque chose. Très vite, ses pensées l’entraînent vers un souvenir très précis. Il y a un an tout juste, dans le train qui le mène de Niort à Poitiers, il a perdu son ordinateur, un portable blanc auquel il manque la touche du ù. Tous ses travaux, ainsi, se sont envolés. Loin d’être contrarié, irrité, c’est un sentiment de légèreté retrouvée qui l’envahit.
Par le menu, il nous conte son étonnante aventure qui l’a amené à emprunter par une belle journée ensoleillée le réseau ferroviaire de la région Nouvelle-Aquitaine. Tout a commencé au décès de son père (Bruno Gouery), où il a découvert qu’il avait une demi-sœur plus âgée (Mireille Herbstmeyer), une religieuse qui se retrouve dans les écrits de Catherine de Sienne. Tentant de créer un lien avec cette femme qu’il ne rencontre qu’en de rares occasions, le midi, pour partager un repas dans un restaurant chinois, toujours le même, l’auteur, l’artiste qu’il est, désire en savoir plus sur ce qui l’anime. Il va se plonger à corps perdu dans l’histoire des mystiques soulevant les interrogations de ses proches, parfois même leur incompréhension sarcastique. Pourtant, très vite, cette quête va le dépasser et l’emmener à se questionner sur sa propre histoire, sa propre identité.
Aux manettes de ce parcours initiatique, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. De sa plume burlesque, décalée, il invite à un voyage autant physique que spirituel. De Niort, où il est en résidence, jusqu’à Sienne, où il cherche les stigmates de la sainte qui a marqué la destinée de la ville, il entraîne son personnage dans un road-trip étrange, drôle et bouleversant fait de fausses pistes, de chausse-trappes et de certitudes qui prennent le contre-pied de celles précédemment énoncées. Au fil des rencontres, toutes plus ou moins ubuesques, qui égrènent son chemin, s’esquisse le bouillonnement intérieur d’un homme à la dérive.
Par touche, le dramaturge dessine le portrait d’une humanité singulière autant que plurielle, vibrante autant que perdue dans l’immensité d’un monde peuplé d’individus qui ont de plus en plus de mal à se comprendre et à trouver leur place.
Porté par une troupe de six comédiens tous excellents – Lisa Pajon, complétement barrée, Mathieu Genet, lunaire, Bruno Gouery, farfelu, Mireille Herbstmeyer, inénarrable, Flore Lefebvre des Noëttes, détonante et Makita Samba, épatant – , ciselé par une mise en scène parfaitement rythmée, ce conte moderne, déroutant et loufoque, est à déguster sans tarder.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Les mystiques ou comment j’ai perdu mon ordinateur entre Niort et Poitiers d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre – Éditions Les Solitaires Intempestifs
Cie Théâtre irruptionnel
Créé le 6 novembre au Le Moulin du Roc – Scène Nationale de Niort
Reprise aux Plateaux sauvages
5, rue des Plâtrières
75020 Paris
jusqu’au 30 novembre à 20h.
durée 1h30
Tournée
à l’ACB scène nationale de Bar le Duc le 6 décembre 2018
au Théâtre Montansier à Versailles du 11 au 12 décembre 2018
aux Scènes de Territoire de Bressuire le 20 décembre 2018
au Gallia Théâtre Cinéma de Saintes le 29 janvier 2019
au 3T Scéne conventionnée de Châtellerault le 31 janvier 2019
mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre avec la participation d’Éric Tillette de Clermont-Tonnerre
Dramaturgie de Sarah Oppenheim
Avec Mathieu Genet, Bruno Gouery, Mireille Herbstmeyer, Flore Lefebvre des Noëttes, Lisa Pajon & Makita Samba
Création lumière : Kelig Lebars
Création sonore : Nicolas Delbart
Création vidéo : Christophe Waksmann
Régie générale : Marie Bonnemaison
Régie lumière : Grégory Vanheulle
Scénographie d’Alexandre de Dardel avec la collaboration de Louise Sari
Assistanat à la scénographie : Rachel Testard
Atelier de construction Le Préau – CDN de Normandie-Vire
Costumes et accessoires Olga Karpinsky
Administration, production Mathieu Hilléreau, Les Indépendances
Diffusion Florence Bourgeon
Crédit Photos ©Elizabeth Carecchio