Loin de l’imagerie de Disney et de son happy end amoureux, Géraldine Martineau donne corps avec subtilité à cette princesse des mers, terriblement vivante, profondément humaine et signe une fable en clair-obsur qui plait grandement aux enfants, et charme les plus grands. Une belle leçon d’humanité.
Dans un monde enchanté, vit une bien jolie sirène (Adeline d’Hermy). Tellement mignonne, qu’on a oublié depuis longtemps son prénom, tant « petite » accolé à tout les plus charmants surnoms, suffit à la nommer. Aimée, choyée, elle fait la fierté de ses ainées, que ce soit sa grand-mère (Danièle Lebrun) qui la couve, ou ses sœurs, dont la cadette (Claire de la Ruë du Can) cède à toutes ses envies. Gracieuse, enjouée et terriblement curieuse, la pétillante enfant va bientôt fêter ses 15 ans. Jour heureux, où les portes de son palais sous-marin vont enfin s’ouvrir pour lui permettre de découvrir son royaume, le monde qui l’entoure et surtout voir à quoi ressemblent ces satanés humains qui pillent ses ressources, détruisent son habitat, mais l’attirent comme un aimant.
À sa première sortie, elle sauve l’un d’entre eux, un bien charmant spécimen, un prince (Julien Frison) à n’en pas douter, dont le père (Jérôme Pouly) aimerait bien voir marié. Charmée, conquise, c’est le coup de foudre. Elle désire l’épouser. Mais elle est sirène, n’a pas de jambes, mais des nageoires. Par amour, elle décide d’abandonner son monde, sa famille, de perdre sa voix si envoûtante (celle de Judith Chemla). Ignorant les usages, un peu gauche, muette, elle touche son bien-aimé par sa différence, mais cela suffira-t-il à ravir son cœur ?
Sous l’océan, comme le chante le crabe Sébastien dans la version de Disney, une jeune fille rêve de s’émanciper, de vivre, d’être enfin elle. C’est cette ligne proche du conte originel d’Andersen que Géraldine Martineau, l’épatante jeune fille de Poisson belge, une pièce de Léonore Confino, a souhaité mettre en scène. S’éloignant d’une histoire trop manichéenne, elle signe une fable contemporaine, délicate sur le dépassement de soi, la noblesse de l’âme. Ici, l’amour n’est pas heureux, mais à force de volonté, de pugnacité, la petite sirène devient grande et gagne sa place dans le monde, ou plus exactement dans les cieux. Courageuse, un brin fougueuse, voire inconsciente, elle prend les rênes de sa destinée. Elle trébuche, se relève et dans un ultime acte d’amour, elle refuse de sacrifier un innocent et assume ses choix.
Dévoilant une humanité hors du commun, un altruisme sans faille, La Petite Sirène version Géraldine Martineau enchante petits et grands. Même si un peu plus de profondeur dans la personnalité des différents protagonistes aurait pu donner plus de relief à l’histoire et plus de force aux propos, la troupe du Français, une nouvelle fois, dévoile des trésors d’interprétation et enchante par son jeu parfaitement dosé. Un joli spectacle à partager en famille à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La petite sirène d’Hans Christian Andersen
Studio de la Comédie Française
99, rue de Rivoli
75001 Paris
Jusqu’au 6 janvier 2019
Du mercredi au dimanche à 18h30
Durée 1h10 environ
Adaptation et mise en scène de Géraldine Martineau
Scénographie de Salma Bordes
Avec Jérôme Pouly, Adeline d’Hermy, Danièle Lebrun, Claire de La Rüe du Can & Julien Frison Voix des Filles de l’air Françoise Gillard et Anna Cervinka et voix chantée Judith Chemla
Costumes de Laurianne Scimemi Del Francia
Lumières de Laurence Magnée
Musique originale de Simon Dalmais
Son de François Vatin
Travail chorégraphique : Sonia Duchesne
Collaboration artistique : Sylvain Dieuaide
Les costumes et une partie du décor ont été réalisés par les ateliers de la Comédie-Française
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage