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Un Arlequin diablement bien ficelé par un Jolly en herbe

Avec Arlequin poli par l'amour, Thomas Jolly anime gaiement la Scala Paris.

Ça cabotine à tout-va. Ça virevolte, ça grimace. Reprenant les codes de la Commedia dell’arte, assaisonnée à la pop culture, Thomas Jolly offre avec cette première mise en scène, créée en 2006 et présentée pour la première fois à Paris, un écrin burlesque en clair-obscur au premier succès de Marivaux. S’attachant à peindre jusqu’à l’excès les contradictions, les errances de l’âme humaine, il signe là un spectacle ténébreux et acidulé, qui préfigure les créations qui ont suivies.

Devant un rideau noir, les six comédiens, tous grimés, affublés de vêtements fort originaux tout droit sortis du film Beetlejuice ou de quelques contes rock pour enfants et éclairés individuellement par une simple ampoule, lisent la pièce qu’ ils vont donner dans quelques minutes. D’un coup tout s’accélère. On quitte le réel pour plonger avec un plaisir malicieux dans la pittoresque histoire d’Arlequin (remarquable Romain Tamisier) et ses premiers émois amoureux. Beau comme un ange, gaulé comme un apollon, le damoiseau fait chavirer les cœurs, et tout particulièrement celui de la Fée (extravagante Julie Bouriche), la capricieuse promise de Merlin l’enchanteur.

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Fine stratège, totalement subjuguée par la plastique du jeune homme, elle le fait enlever et emploie de très grands moyens pour le séduire. Rien n’y fait. Arlequin est d’une bêtise qui dépasse l’entendement. Il ne comprend goutte aux manigances de la magicienne aux grands airs de diva. De plus en plus excédée par le comportement de cet éphèbe sans cervelle, elle se transforme en furie quand ce dernier, sous le charme d’une naïve bergère (ingénue Charlotte Ravinet), se métamorphose en gentleman « cortiqué ». Blessée dans son amour propre, la Fée tente son va-tout, use de maléfices et déclare la guerre aux candides amants. Advienne que pourra.

En s’emparant de cette farce de jeunesse de Marivaux, qui fut aussi son premier vrai succès public, Thomas Jolly fourbit ses armes et expérimente sa patte, son style à venir. Prenant en main la scénographie et la mise en scène, il invite à une plongée dans son univers mélancolique, rock et baroque. Sans fioritures et sans effets superflus, cet adepte du théâtre de tréteaux se sert habilement d’ingrédients scéniques traditionnels, classiques. Utilisant savamment les clairs-obscurs grâce à un jeu de lumière particulièrement soigné, il esquisse un monde féerique à la frontière du réel.

Arlequinpoliparlamour_Jolly_©NicolasJoubard_vueplateau14__15-03-16

Scrutateur de l’âme humaine, Thomas Jolly, alors jeune homme, adapte, la comédie satirique de mœurs du dramaturge français, en lui instillant ce qu’il faut de noirceur et d’outrance pour lui donner des allures de fable initiatique. Ainsi, l’enfance pure, candide, se confronte avec la violence du monde des adultes, quitte à perdre quelques plumes au passage. Si parfois les traits humoristiques semblent trop appuyés, si la farce foutraque tire vers l’excès, c’est pour mieux saisir le public.

En faisant du théâtre populaire exigeant, Thomas Jolly signe avec son impétueuse mise en scène, qui présage l’homme d’aujourd’hui, celui qui a conquis le public par ses adaptations de Thyeste, de Richard III ou d’Henri VIII, un spectacle certes jeune mais terriblement efficace.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


arlequin-t-jolly-Scala_@loeildoliv
A

Arlequin poli par l’amour de Marivaux
La scala Paris
13, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Jusqu’au 27 octobre 2018
Du jeudi au samedi à 18h30, séance supplémentaire le samedi à 14h30
Durée 1h30

Mise en scène et scénographie de Thomas Jolly
Avec Julie Bouriche, Romain Brosseau, Rémi Dessenoix, Ophélie Trichard, Charlotte Ravinet, Romain Tamisier
Charline Porrone, assistante à la mise en scène
Thomas Jolly et Jean-François Lelong, création lumière
Jane Avezou, création costume
Spectacle créé en 2006

Production La Piccola Familia

Crédit photos © Nicolas Joubard

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