Jeunes filles en fleur, visages extatiques, couleurs pastel, motifs végétaux et Sarah Bernhardt en pieds donnent aux cimaises du musée du Luxembourg des airs de Belle Époque. En proposant une rétrospective retraçant le parcours éclectique de l’artiste morave, l’institution parisienne, en association avec la Fondation Mucha de Prague, invite à un voyage « rétro » passionnant peut-être un peu trop sobre, trop sage.
Fer de lance de l’Art Nouveau français, Alphonse Mucha a débarqué à Paris en 1887, à l’âge de 27 ans. Rapidement, il se fait un nom et devient un artiste iconique et incontournable de la Belle Époque. Ces jeunes filles éthérées légèrement dénudées ou portant des tuniques blanches, vaporeuses, imaginées pour des affiches publicitaires recouvrent les murs de la capitale. Son style fascine. Les poses alanguies de ses modèles auréolés de fleurs stylisées entraînent les visiteurs dans des rêveries ouatées, des songes évanescents. C’est d’autant plus prégnant qu’enfin, on peut voir ces œuvres en vrai – et non sur des boîtes à gâteaux et autres supports divers et variés tant l’art de Mucha est de nos jours galvaudés -, en palper l’essence fantastique, envoûtante.
Ce travail si emblématique de l’artiste tchèque est certes le plus connu, mais n’est finalement qu’une toute petite partie de l’iceberg. Alphonse Mucha est une touche-à-tout de génie. Il fut tour à tour affichiste bien sûr, mais aussi illustrateur, graphiste, peintre, sculpteur, dessinateur de bijoux et autres objets luxueux, architecte d’intérieur et décorateur. En se promenant, en musardant dans les salles du musée du Luxembourg, pour ceux qui n’ont pas eu la chance de visiter la Fondation Mucha à Prague, dont proviennent la plupart des pièces exposées, on prend conscience de la richesse, de la diversité de son travail.
Définitif homme du XIXe siècle, parfois mystique, Alphonse Mucha fait des merveilles. Créant l’affiche de Gismonda en 1895, pièce jouée au théâtre de la Renaissance par Sarah Bernhardt, il devient la coqueluche du Tout-Paris. Les gens en découpent des petits bouts pour en conserver la magie. Forte de ce succès, l’immense actrice, qui s’en est entihé, l’engage pour six ans. Il grave ainsi pour l’éternité son visage, sa stature dans la peau de Lorenzaccio, de La Dame aux camélias ou de Médée.
Préférant la photo aux longues séances de pose, il constitue au fil du temps une impressionnante collection, un immense catalogue dont on peut voir quelques exemples à mi-parcours, dans lequel il puise son inspiration. Mais c’est au détour d’une cloison, que l’on découvre une facette mal connue de l’artiste : la peinture mystique, presque fantasmagorique. Les tons sont pastel, presque délavés. Ce style qui contraste quelque peu avec ses œuvres de jeunesse plus gaies, plus joyeuses, préfigurent le Mucha plus politique, qui, une fois retourné dans son pays natal, décide d’ancrer sur toile son passé, ses racines dans L’Épopée slave, que l’on peut découvrir sur vidéo – les 23 tableaux géants intransportables.
Ainsi, s’achève sur une note plus sombre notre balade dans le temps. Nostalgique de la Belle Époque, de cette période singulière où tout semblait possible, on l’est d’autant plus qu’il se dégage de cette rétrospective non l’esprit de gaieté qui animait les artistes d’antan, mais une sorte de tristesse annonçant les tourments à venir. N’oubliant pas ,pour autant la beauté ensorcelante des œuvres présentées, l’harmonie des couleurs, la sensualité des corps de ces damoiselles aux cheveux d’or, aux reflets ocres, l’exposition du Luxembourg sacre enfin Alphonse Mucha et l’inscrit au Panthéon de ceux qui ont fait l’Art Nouveau.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Alphonse Mucha
Musée du Luxembourg – RMN
19 Rue de Vaugirard
75006 Paris
Du 12 septembre 2017 au 27 janvier 2019 – ouverture tous les jours du lundi au jeudi de 10h30 à 18h
vendredi, samedi, dimanche et jours fériés de 10h30 à 19h