Silhouette longiligne, tenue noire stricte, Charlotte von Mahlsdorf hante le musée où s’entassent pêle-mêle souvenirs, meubles et controverses. En s’intéressant à ce travesti allemand, ayant traversé deux régimes totalitaires, Doug Wright signe une pièce sensible, captivante que le jeu subtil, habité de Thierry Lopez souligne avec grâce et élégance. Troublant !
Une forêt de gramophones peuple la scène. Derrière un grand buffet sculpté, style Henri II émerge une ombre. Jupe longue noire soulignant sa taille de guêpe, Charlotte von Mahlsdorf (éblouissant Thierry Lopez) invite à entrer dans son musée, le Gründerzeit Museum, situé en plein cœur de la capitale allemande. Passionnée d’art, de meubles datant de la fin du XIXe, elle a, dans sa grande maison, amassé, amoncelé tout ce qu’elle a pu sauver des griffes exterminatrices du régime nazi, qui estimait que ces objets avaient été engendrés par ce qu’il qualifié d’art dégénéré.
Avec gourmandise, elle fait visiter les lieux à tous ceux qui viennent sonner à sa porte. Aussi célèbre que sa collection, Charlotte est une attraction à elle toute seule. Née garçon à Berlin en 1928, elle grandit à l’ombre d’un père nazi autoritaire et violent. Dès l’âge de 16 ans, elle se travestit et déambule en hauts talons dans les rues de sa ville natale. Refusant les diktats des régimes autoritaires successifs, celui d’Hitler tout d’abord puis celui communiste de la RDA, toute sa vie durant, elle continue à assumer son identité transgenre, et ce, malgré les persécutions subies par la communauté LGBTQI+. Fière, forte, elle fait son possible pour aider les introvertis, les réprouvés, ce qui lui vaut de recevoir la croix du mérite en 1992.
Derrière le sourire enjôleur, sa part d’ombre finit par la rattraper. Les dossiers de la Stassi déclassifiés, quelques années après la chute du mur de Berlin, laissent apparaître une autre personnalité, celle d’une espionne à la solde du régime. Est ce vrai ? Nul ne le sait. Le doute demeure. Mystérieuse, enjôleuse, Charlotte garde jalousement ses secrets. Si elle s’épanche parfois, raconte quelques anecdotes, jamais elle ne se livre vraiment.
Avec gourmandise, elle fait visiter les lieux à tous ceux qui viennent sonner à sa porte. Aussi célèbre que sa collection, Charlotte est une attraction à elle toute seule. Née garçon à Berlin en 1928, elle grandit à l’ombre d’un père nazi autoritaire et violent. Dès l’âge de 16 ans, elle se travestit et déambule en hauts talons dans les rues de sa ville natale. Refusant les diktats des régimes autoritaires successifs, celui d’Hitler tout d’abord puis celui communiste de la RDA, toute sa vie durant, elle continue à assumer son identité transgenre, et ce, malgré les persécutions subies par la communauté LGBTQI+. Fière, forte, elle fait son possible pour aider les introvertis, les réprouvés, ce qui lui vaut de recevoir la croix du mérite en 1992.
Captivé par l’histoire de cette femme dans un corps d’homme qu’il rencontre fortuitement en visitant son musée, Doug Wright plonge dans les eaux sombres de ses souvenirs, enquête sur sa vie extraordinaire, fantastique pour tenter de distinguer le vrai du faux. À travers sa pièce, il esquisse un portrait en clair-obscur, déroutant autant que flamboyant et révèle une personnalité fascinante et subversive. Sans jamais tomber dans le pathos ou le graveleux, Steve Suissa s’empare du texte ciselé d’Ich bin Charlotte et signe une mise en scène sobre, simple à l’image du rôle-titre.
Au-delà de ce récit de vie qui s’égrène par bribes durant un peu plus d’une heure et vingt minutes, c’est la présence magnétique, hypnotique de Thierry Lopez qui ensorcèle. Troublant, ensorceleur, le comédien aux jambes interminables se glisse avec virtuosité dans la peau de Charlotte. Il lui donne une belle fragilité, une grâce singulière et nous emporte dans le tourbillon de sa mémoire. Soufflant le chaud et le froid, lançant des œillades assassines ou charmeuses, c’est selon son humour, il nous attrape, nous saisit. Interprétant tous les rôles, toutes les personnes qui ont croisé la vie de cet être insaisissable et épris de liberté, il invite à un voyage dans le temps, à une immersion dans l’Allemagne underground à contre-courant des régimes autoritaires l’ont régie.
Sans hésiter foncez découvrir ce seul-en-scène envoûtant, saisissant et entrez au musée-cabaret !
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Ich bin Charlotte de Doug Wright
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du Chêne noir
8 bis, rue Sainte-Catherine
84000 Avignon
jusqu’au 29 juillet 2018
tous les jours à 20h45 relâches le 9, 16 et 23 juillet 2018
Durée 1h25
Reprise
Théâtre du Poche-Montparnasse
75, boulevard Montparnasse
75006 Paris
A partir du 8 septembre 2018
Du mardi au samedi 21h, dimanche 15h
durée 1h25
Mise en scène de Steve Suissa
Avec Thierry Lopez
Adaptation de Marianne Groves
Lumières de Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Décor de Natacha Markoff
Costume de Jean-Daniel Vuillermoz
Chorégraphie d’Anouk Viale