Dans une jungle humaine entièrement réinventée, les danseurs de la compagnie Dyptik se jaugent, se jugent et se mesurent. S’inspirant des rites qui régissent les gangs des cités, les codes qui encadrent les relations sociales, Mehdi Meghari esquisse une ligne chorégraphique, poétique qui refuse les frontières. Du hip-hop, à la transe, en passant par des mouvements empruntés à la danse contemporaine, il réinvente les règles de la danse urbaine.
La salle est plongée dans le noir. Lentement, un faisceau lumineux éclaire le visage fermé d’une jeune femme aux faux airs de Christine and the Queen. L’atmosphère est glaçante, intense. La danseuse bande ses muscles, semble se crisper. Ses mains s’accrochent sur la table placée devant elle. La tension est de plus en plus palpable, presque étouffante. Le lien avec le public se tend, rien ne transparaît de ce qui va suivre.
La musique envahit l’espace. Les beats omniprésents électrisent les spectateurs. Le temps semble suspendu. Le reste de la troupe finit par la rejoindre. Commence alors un détonnant ballet, où chacun se mesure à l’autre. Est-on dans une salle de casino clandestine ? Ou tout simplement au cœur des relations humaines ? Tout est question de perception. Les mouvements sont vifs, saccadés. Les gestes volubiles presque guerriers.
Puis, la table disparaît. C’est un autre tableau, un autre terrain de jeu qui apparaît. L’un après l’autre, chaque danseur, chaque danseuse se mesure à l’autre, tente d’autres pas, d’autres enchaînements plus sophistiqués, plus compliqués. Faut-il se fondre dans le groupe, en devenir le leader ou s’émanciper ? À chacun de faire parler son corps, ses émotions.
Empruntant au discours guerrier certaines postures, puisant dans les rites transcendantaux quelques mouvements, Meghari Meghari brouille les pistes du Hip-hop pour mieux définir un autre style de danse qui allie plusieurs techniques, plusieurs grammaires chorégraphiques. Le résultat est un ballet hypnotique porté par sept danseurs magnétiques. Un ballet déroutant qui allie avec virtuosité douceur et violence, danse pulsatile et arabesque gracile. Une « battle » énergique qui esquisse en filigrane les tensions qui régissent nos sociétés contemporaines.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dans l’engrenage de Mehdi Meghari
Festival d’Avignon le OFF
La manufacture – château Saint-Chamand
2 bis, rue des écoles
84000 Avignon
jusqu’au 24 juillet 2018
tous les jours à 17h45, relâches le 19 juillet 2018
durée 1h20 trajet de navette compris
Chorégraphie de Meghari Meghari
Avec Elias Ardoin, Evan Greenaway, Samir El Fatoumi, Yohann Daher, Émilie Tarpin-Lyonnet, Marine Wroniszewski, Katia Lharaig
Création musicale : Patrick De Oliveira
Création lumière : Richard Gratas
Costumes d’Hélène Behar
Compagnie Dyptik
Crédit photos © Julie Cherki