Au début, la maternité en question

Au petit Louvre, Panchika Velez met en scène Au début de François Bégaudeau.

Être mère, être père qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela réveille au fond du cœur ? S’emparant du sujet délicat du désir ou du déni d’enfant, François Bégaudeau esquisse des portraits de femmes et d’hommes face à la parentalité vécue ou à venir. Portés par la mise en scène élégante de Panchika Velez, les quatre poignants interprètes nous emportent dans des tourments intimes. Bouleversant !

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Au début, c’était une envie, un désir. Au début, c’était un incident, un impromptu. Au début, c’était un refus catégorique, un rejet. Au début, c’était un espoir inenvisageable. Puis le tourbillon de la vie passe, laissant au creux du ventre une petite graine, un petit enfant en devenir. Dans un jardin d’enfants, mobilier rouge éclatant, trois mères et un père se retrouvent et content leurs histoires. Les mots se coursent empruntant des chemins escarpés. Les paroles des unes, les pensées des autres se chevauchent, se répondent parfois, en un flot continu, torrentiel. N’épargnant rien de leur souffrance, de leur bonheur, de leur déni, nos quatre protagonistes puisent au plus profond de leur être, de leur âme pour livrer ce qu’est pour eux, pour elles la maternité, la parentalité.

La plus jeune (éclatante Rachel Arditi) se sent prise au piège par son conjoint. Ne voulant pas le perdre, elle accepte de porter sa progéniture à son corps défendant, quitte à renier son désir de ne pas enfanter. Dans l’excès, elle cherche à repousser la date fatidique, le moment de la délivrance où ils ne seront plus deux, mais trois. La plus âgée (épatante Marie Ruggeri) se souvient de ses trois grossesses, de son envie de faire passer le premier, le dernier, comment on le disait dans le temps, dans les années 1960, de l’amour inconditionnel qu’elle leur a apporté dès que leur premier cri a retenti. La troisième (vibrante Nathalie Cerdà), vieille fille en devenir, marquée aux fers incandescents par les quolibets, les violences de ses camarades et collègues, persuadée d’être un laideron que personne ne peut aimer, désirer, trouvera dans son métier, dans ses errances sur la toile, à assouvir cette envie trop longtemps, enfouie dans son cœur, être mère. Enfin, lui, le seul homme du plateau (poignant Eric Savin), c’est un drame, la mort de son compagnon qui met un temps fin à cette volonté de fonder une famille en adoptant. Les embûches, les désillusions seront nombreuses avant que ce doux rêve finisse par se concrétiser. Il faudra les bras d’un autre amant ayant le même vœu, un couple de lesbiennes pour que l’affaire, le contrat se réalise.

S’interrogeant sur le désir autant que sur le refus d’avoir un enfant, François Bégaudeau est parti à la rencontre de ces femmes, de ces hommes confrontés à la parentalité, de ces récits autant singuliers qu’universel. De cette envie, de ce déni, de cet événement qui chamboule tout, change la vie. De toutes ces pensées qui assaillent les esprits, de tous ces renoncements pour connaître d’autres plaisirs que seule la maternité, paternité apporte, le dramaturge en tire une matière romanesque, théâtrale qui saisit, captive. Avec une délicatesse infinie, Panchika Velez s’empare de ces instants de vie, de ces histoires. Elle leur donne une profondeur qui touche au cœur et résonne en écho de nos propres aspirations.

Si l’émotion nous étreint, c’est aussi grâce aux quatre comédiens, tous impressionnants. Passant du rire aux larmes, Rachel Arditi, Nathalie Cerdà, Marie Ruggeri et Éric Savin font vibrer les états d’âme, les tourments intimes, les joies intenses d’être parent. Un petit bijou à découvrir sans tarder !

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore -Envoyé spécial à Avignon


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Au début de François Bégaudeau
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du Petit Louvre – Chapelle des Templiers
rue Félix-Gras
84000 Avignon
jusqu’au 29 juillet 2018
tous les jours à 12h40, relâches 11, 18 et 25 juillet
Durée 1h25

Reprise au théâtre du Petit-Montparnasse
31 rue de la Gaité
75014 Paris
Du mardi au samedi 21H et le dimanche à 15h
Durée 1h25

Mise en scène Panchika Velez assistée de Mia Koumpan
Avec Rachel Arditi, Nathalie Cerdà, Marie Ruggeri et Éric Savin
Décor de Claude Plet
Costumes de Marie-Christine Franc
Musiques de Bruno Ralle pour BALOO Productions
Production François Volard Acte 2 – Théâtre du Petit Montparnasse

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