Pour ses 40 ans, le CNDC d’Angers envahit Chaillot avec deux spectacles tripartites, dont l’un est un vibrant hommage à Alwin Nikolais, créateur du centre national en 1978, ainsi qu’à deux chorégraphes issus des bancs de l’école, Dominique Boivin et Philippe Découflé. Solos, pas de deux et danses de groupe sont au programme d’une soirée burlesque parfaitement orchestrée.
Une musique d’ambiance pop rock accueille le public et le fait patienter. Les derniers retardataires finissent par s’installer. Le noir tombe. Le rideau s’ouvre sur un étonnant tableau. Alors que des projections d’images d’art prennent possession des murs, dix-neuf chrysalides sont allongées sur le sol. Au rythme des beats, elles vibrent, comme si leur cœur se mettait à battre. Jouant des ombres, s’amusant des formes, nos jeunes danseurs donnent corps à ce ballet un brin daté, mais qui séduit par sa force créatrice et la fraîcheur des interprétations. Totalement investis dans leur mission de faire vivre le répertoire de leurs célèbres aïeuls, notamment Alwin Nikolais, cet américain sans qui le CNDC d’Angers n’aurait peut-être pas vu le jour et qui signe ce Water Study très sixties, ils déclinent avec aisance les gestes saccadés, les sarabandes volubiles, les pas définitivement contemporains.
Après une courte pause, c’est un jeune homme (Tonin Sourjac) qui fait une entrée fracassante en Lolita sexy, en Betty Boop allumeuse, perchée sur des talons aiguilles vertigineux. Tee-shirt déstructuré, boxer noir, refusant la nomenclature des genres, il cristallise les regards, envoûte l’auditoire, conquis par cette prestation digne d’une Beyonce déchaînée. L’image est fugace, elle se retient un temps avant de céder sa place à un magnifique ballet, intitulé Traffffic, signé Dominique Boivin s’inspirant des culbutos de notre enfance. Suivant la ligne musicale ciselée, les danseurs se cherchent et se repoussent. Chacun impulsant d’un geste, le mouvement de l’autre. Cette vague humaine hypnotique ensorcelle. Totalement emporté par ces ondulations des corps, le public se laisse captiver, saisir, bouleverser.
Entre décadence et burlesque assumés, le dernier tableau, où l’on reconnaît sans hésiter la patte sans pareil de Philippe Découflé, finit d’emporter notre adhésion. Entremêlant les styles, passant d’un solo virevoltant à un duo où les corps s’unissent pour donner naissance à une bête curieuse, d’un univers rock à un défilé de mode déjanté, le chorégraphe offre à cette nouvelle génération de danseurs, un cadeau rare, une pièce chorégraphique où chacun fait exploser son talent. Clairement, l’hommage organisé pour les 40 ans du CNDC d’Angers est une franche réussite.
Le triptyque fait mouche et emporte dans un tourbillon de notes et de mouvements, les spectateurs. Bien que tous ces jeunes artistes, à peine sortis de l’école, font honneur à leur formation, il faut reconnaître que les trois pièces font la part belle aux interprètes masculins, qui s’en donnent à cœur joie. On notera notamment les prestations et les présences scéniques incroyables de Lili Buvat, de Constant Dourville, d’Adrien Lichnewsky et de Paul Warnery. Un joli moment plein de grâce en ce printemps orageux.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
ANCNDCDBPD81-18
Théâtre national de danse de Chaillot
Salle Firmin Gémier
Jusqu’au 1er juin 2018
Durée 1h00
Chorégraphie d’Alwin Nikolais, de Dominique Boivin et dePhilippe Decouflé pour les pièces de groupes ainsi que des étudiants du CDNC pour les solos et les duos
Lumières de Patrice Bésombes
Costumes d’Angélique Redureau
Musiques additionnelles de Mountains, Sigur Ros, Alex Sommers, Windy & Carl
avec les étudiants de l’Ecole supérieure du CNDC d’Angers : Amélie Berhault, Lili Buvat, Ines Sofia Cardona Parra, Renaud Dallet, Noémie Defossez, Constant Dourville, Kazuki Fujita, Estelle Garcia-Massiani, Nelly Hyvert, Marion Jousseaume, Kiduck Kim, Jean Lesca, Adrien Lichnewsky, Mathéa Rafini, Tonin Sourjac, Xavier Gocel, Julia Vercelli, Violette Vinel, Paul Warnery
Water Study
chorégraphie, son, costumes et projections d’Alwin Nikolais
mise en scène et reconstruction d’alberto del saz
Traffffic (creation)
mise en scène de Dominique Boivin assisté d’Yan Raballand
repetiteur : Philippe Priasso
musiques : Bach (concerto brandebourgeois no 3 – il allegro) et Steve Reich (nagoya marimbas)
Création 2018
chorégraphie et mise en scène de Philippe Decouflé
répétitrices de Marion Ballester, Alexandra Gilbert, Alexandra Naudet
musiques Evaggelos Sofroniou, My Bloody Valentine (les tulipes, extrait des petites pièces montées – 1993), Aster Aweke (Aster, extrait de Shazam ! – 1997), Nosfell et Pierre Le Bourgeois (Les talons, extrait d’octopus – 2010)
Crédit photos © Nathalie Sternalski