Avant tout, c’est un talent de conteur, celui de David Geselson. Avec gourmandise et humour, il s’empare de l’histoire du héros de la famille, son grand-père. Puis, avec ingéniosité, intelligence, il glisse vers un terrain plus politique, plus profond, le conflit israélo-palestien, en confrontant ses idéaux à ceux de son aïeul et propose un spectacle fort qui envoûte et questionne.
À l’aise sur la scène, David Geselson attend son public. Il s’inquiète de leur confort, leur souhaite la bienvenue. Il darde son regard de velours dans ceux des spectateurs, les envoûte d’un mot, d’un sourire. De ses gestes volubiles, de son bagout impayable, il nous entraîne avec humour et tendresse, imperceptiblement sur les traces de son grand-père, Yehouda Ben Porat, un Juif lituanien qui a quitté son pays natal en 1934 pour la Palestine. Homme de conviction, peu enthousiaste à devenir rabbin, le métier auquel le destine la formation qu’il suit, il préfère participer à la création d’un pays, d’un Etat, celui d’Israël.
Abandonnant son premier et grand amour, sa famille, il se laisse séduire par la philosophie des Kibboutz et en devient un des membres éminents. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate, que les nazis, ont envahi l’Europe et sont aux portes de la Palestine, il s’enrôle dans la Brigade Juive au sein de l’armée britannique. Fort de son expérience, rêvant d’un monde où Israël aurait sa place, il participe à la guerre d’indépendance de l’Etat. En 1971, poussé par ses convictions quelque peu malmenées par les conflits, il fonde et dirige l’Institut de recherche sur l’histoire d’Israël.
Face à celui qui est à l’origine de tant de mythes, de légendes familiales, en quête de ses racines, David Geselson tente de reconstruire le fil de vie de cette figure tutélaire, avec qui il est en rupture idéologique. Creusant dans la vie trépidante de son grand-père, qu’interprète avec une intensité maîtrisée Élios Noël, il questionne le conflit israélo-palestinien afin de confronter ses propres idéaux à ceux de cet aïeul à qui il voue une forte admiration, mais dont il a bien du mal à comprendre certaines positions.
Sans pour porter de jugement, entrecroisant sa propre histoire à celle de son grand-père, il met en miroir les faits face aux croyances, aux certitudes de chacun. Rêvant une discussion à bâtons rompus avec Yehouda, il dresse l’état des lieux d’un conflit idéologique où s’affronte réalité des actes et convictions politiques. En filigrane, il esquisse le portrait d’une terre, d’un pays, de deux peuples ennemis.
Entremêlant le tangible et le fictif, le foisonnant et bouillonnant David Geselson signe un spectacle singulier, à la scénographie simple et épurée, qui touche au cœur et interroge nos propres certitudes, nos propres idéaux. Un moment de théâtre à part entre stand-up, confessions bouleversantes et plongée dans l’Histoire. Poignant !
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
En route – Kaddish de David Geselson
Théâtre en Mai
Atheneum
Campus de Dijon
Esplanade Erasme
21000 Dijon
Durée 1H30
Mise en scène et interprétation : David Geselson, Élios Noël
Collaboration à la mise en scène Jean-Pierre Baro
Scénographie de Lisa Navarro
Lumières de Jérémie Papin
Vidéo de Jérémie Scheidler
Son de Loïc Le Roux
Construction décor : Guillaume Lepert
Compagnie Lieux-Dits
Crédit photos © Vincent Arbelet