Attiré par les destins singuliers, Charles Gonzalès se glisse avec une folle virtuosité dans la peau de la célèbre sculptrice au moment où, ravagée par la passion qu’elle voue à Rodin, dévorée par son génie créateur, son esprit se lézarde et bascule imperceptiblement dans la démence. Habité par Camille Claudel, il invite à découvrir l’horreur de son quotidien, enfermée dans les maisons d’aliénés.
Sur une scène dépouillée, plongée dans la pénombre, une ombre erre. Cheveux hirsutes, regard hagard, tenue négligée, Camille Claudel semble perdue dans ses pensées. Assaillie par ses démons, elle se remémore les mots d’amour de Rodin lui promettant l’hyménée, qui ne sera jamais consacré, scellant ainsi son funeste destin. Ardente, passionnée, délaissée par son maître, son amant, la sculptrice s’enferre chaque jour un peu plus dans la paranoïa, la folie. Incapable de contrôler le feu qui la consume, sa mère et son frère Paul n’ont d’autre choix que de l’interner.
Puisant dans les lettres, les écrits de la jeune femme, ainsi que dans ceux de ses proches, Charles Gonzalès plonge sans retenue dans l’esprit fébrile de Camille Claudel, enfermée contre son gré. Il évoque ainsi la terrible réalité de cette vie privée de liberté, sans espoir, sans joie. Prenant à son compte les suppliques de la sculptrice, ses cris déchirants, ses prières , tour à tour hystérique, habité, sensible, touchant, le comédien s’oublie pour ne laisser voir que la femme blessée, brisée par des années d’internement.
Loin de l’image romantique de l’amante délaissée par un Rodin envieux, égoïste, Charles Gonzalès esquisse le portrait délicat, furieux de Camille, une artiste emportée, entière qui paiera de sa liberté son esprit fiévreux, frondeur, novateur. En donnant la parole à l’aliénée, le comédien – metteur en scène surprend, saisit et ouvre nos consciences sur ce que furent les trente dernières années de vie de celle qui est, à n’en pas douter, l’une des plus incroyables sculptrices françaises.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Charles Gonzalès devient Camille Claudel, un spectacle conçu par Charles Gonzalès
Théâtre du Poche-Montparnasse
Boulevard du Montparnasse
75006 Paris
prolongations jusqu’au 18 juin 2018
Tous les lundis à 19h et les dimanches à 17h30
Durée 1h15
conception, mise en scène et interprétation : Charles Gonzalès
lumières de Mohamed Maaratié
costumes Ateliers ACERMA ; Porte de Montreuil et Pascale BORDET
Production Compagnie Charles Gonzalès en coréalisation avec le Théâtre de Poche-Montparnasse
Crédit photo © Laurencine Lot