Les mots crus coulent, roulent en vagues alexandrines. Les airs d’opéra, les envolées lyriques, baroques, nous entraînent dans le vice charnel, la voracité sexuelle. Avec espièglerie et malice, l’ensemble Almazis, dirigé par Iakovos Pappas, signe un spectacle burlesque et truculent très cul, mais très bon. Bravo !
Dans le cadre des inédits de la BNF, Iakovos Pappas, spécialiste des musiques baroques, présente une œuvre rare et peu jouée d’Alexis Piron, chansonnier connu pour ses épigrammes qui ont fait les beaux jours du XVIIIe siècle, Vasta, reine de Bordélie. Dans un monde imaginaire fait de princes couillus et bien membrés, de princesses en chaleur prêtes à tout pour un petit coup un passant, la jeune et belle Conille (éblouissante Delphine Guevar) cherche époux vaillant à la couche et valeureux au lit. Sous le regard de sa dépravée de mère (époustouflante Elizabeth Hernandez), les amants s’enchaînent pour prouver leur valeur. Ici pas de morale, mais du plaisir à tout va. Seul l’acte sexuel a droit de cité. Le reste n’est que broutille sans intérêt.
Portés par une partition baroque où le son métallique du clavecin se mêle à celui miaulant des violons, d’une basse de viole et d’un violoncelle, les vers d’Alexis Piron chantent à nos oreilles les prouesses licencieuses de nos héros. Rien ne nous est épargné, tout nous est dévoilé. Mais là où certains de nos contemporains se vautrent dans la fange et accumulent les clichés, nos ancêtres s’amusaient des mots, jouaient des rimes et signaient des ritournelles absolument délicieuses et délectables. Du cul, certes, mais avec talent et humour.
Sans rien censurer des libidineuses amourettes de nos aristocrates élevés au lait du siècle des lumières, Iakovos Pappas, derrière son clavecin, livre un conte pornographique savoureux qui séduit autant par la beauté du verbe que par l’envoûtante musique baroque. Si l’on peut regretter que ce type d’ouvrage ne soit pas plus donné, l’ensemble Almazis vient d’en éditer une version enregistrée.
Captivé par ces cons, ces culs et ses vits qui se titillent et s’émoustillent, on est tout autant charmé par le talent des musiciens et les voix puissantes des chanteurs un brin déluré. Notons notamment la voix basse de Nathanaël Tavernier, la présence burlesque de Christophe Crapez et les pantomimes savoureuses d’Elizabeth Fernandez et Delphine Guevar.
Vasta, reine de Bordélie est une gourmandise charnelle et luxurieuse, où l’humour au dessous la ceinture frôle avec le génie des grands penseurs.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Vasta, reine de Bordélie d’Alexis Piron
BNF François Mitterrand – Grand auditorium
Quai François-Mauriac
75013 Paris
un spectacle de l’ensemble Almazis – Iakovos Pappas
avec Elizabeth Fernandez, Delphine Guevar, Christophe Crapez, Nathanaël Tavernier, Guillaume Durand, Jean-Christophe Born, Cecil Gallois, Iakovos Pappas, Céline Martel, Diane Lee, Céline Cavagnac, Pierre Charles, Yuka Saïto