Les mots, les sons jaillissent de toute part, prennent possession de nos esprits, de nos sens. La voix envoûtante, pénétrante de Simon McBurney nous invite à un voyage intérieur et immobile au cœur de l’Amazonie à la rencontre des Mayoruna. Son jeu puissant, habité, nous entraîne au-delà des murs, des mers. Un spectacle entier, immersif, une expérience sonore et sensorielle captivante, fascinante !
Une étrange tête grise de mannequin darde son regard vide sur la salle et semble observer les spectateurs qui s’installent et chaussent les écouteurs qui ont été mis à leur disposition. Quelques tests préalables, pour vérifier le bon fonctionnement du système, et imperceptiblement on glisse dans une autre dimension. Sur scène, dans un décor qui ressemble étrangement à un studio d’enregistrement, Simon McBurney s’agite et inspecte son matériel. De sa voix douce, sensuelle, il donne quelques explications sur l’étonnante expérience à laquelle il nous convie. Avec beaucoup d’humour, anglais bien sûr, il s’amuse des retardataires, brocarde la technologie qui est de plus en plus omniprésente dans nos sociétés modernes et se gausse de quelques objets « vintages » qui vont servir à créer l’illusion d’un voyage à travers les océans, au cœur d’une civilisation cachée.
Très vite, tout bascule. De Londres au Brésil, des années 1970 à notre époque, le processus immersif imaginé par Simon McBurney et sa compagnie Complicité, qui bluffe nos sensations, nous entraîne dans des mondes parallèles où le temps s’arrête, se décuple, où la réalité et la fiction s’entremêlent singulièrement. Coupé de l’extérieur, sans aucune interaction avec nos voisins, on se laisse totalement embarqué dans ce voyage solitaire et commun, bercé uniquement par les sons spacialisés d’une forêt luxuriante, la voix modulée, enchanteresse du comédien, à peine susurrée à nos oreilles.
Contant l’histoire du photographe américain, Loren McIntyre, que la National Geographic a envoyé en 1969 aux confins de l’Amazonie à la rencontre des Hommes-félins, Simon McBurney propose la singulière expérience de jouer les découvreurs, les compagnons de route d’un aventurier. S’amusant de nos émotions, cassant le rythme de ce récit vibrant, parfaitement retranscrit, avec force détails, par l’auteur roumain Petru Popescu, par les interruptions intempestives et touchantes d’une fillette qui n’arrive pas à dormir, l’inclassable comédien anglais réussit la gageure de modifier nos perceptions, de nous faire vivre les transes chamaniques d’un peuple en communion avec la nature.
Deux heures durant, le public subjugué, hypnotisé, se laisse embarquer dans ce conte contemporain, cette fable écologique qui rappelle ô combien notre environnement est fragile. Convoquant notre humanité profonde, Simon McBurney signe un spectacle certes un peu long, mais totalement fascinant. À voir sans conteste !
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
The Encounter, un spectacle de Complicité / Simon McBurney, d’après Amazon Beaming de Petru Popescu
Odéon – théâtre de l’Europe
Jusqu’au 8 avril 2018
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Deux représentations à 15h et 20h le samedi 7 avril 2018
Durée 1h55
Avec Simon McBurney
Coréalisation : Kirsty Housley
collaboration à la mise en scène : Jemima James
scénographie de Michael Levine
son de Gareth Fry et Pete Malkin
lumière de Paul Anderson
vidéo de Will Duke
production Complicité
Crédit photos © Robbie Jack