Qui n’a pas rêvé de passer une soirée avec le plus beau mec du quartier, le plus charismatique ? Qui n’a pas souhaité faire la fête avec une vedette du petit écran ? Sans queue, ni tête, avec humour et autodérision, le collectif « La faim du soir tard » tisse une fable contemporaine, absurde sur la solitude des êtres dans une société en déshérence. Une gourmandise théâtrale savoureuse, délectable.
Sur une scène encombrée de quelques meubles, de vases, une femme et un homme bougent, dansent, s’installent au synthé. Ils observent le public qui s’installe et attendent que le noir se fasse. Le silence et l’obscurité gagnent l’espace, il est temps de plonger dans ce conte noir, cette fable contemporaine qui dépeint avec absurdité le monde d’aujourd’hui où les êtres se croisent, mais ne se rencontrent vraiment jamais. Tout commence dans les marécages où une bien jolie créature, la femme lézard, émerge des roseaux. Visage triste, elle a perdu sa peau. Son bel amant, l’a trouvant mieux sans, a préféré la lui voler. Depuis, elle erre, triste, mélancolique,à sa recherche.
Changement décor par un habile jeu de lumières, on est dans le salon de l’esseulée Gabrielle. Solitaire, elle rêve avec son chien fou de faire la connaissance de tous ces gens qui peuplent sa vie, sans jamais vraiment en faire partie. Petit à petit, les invités arrivent, tous plus névrosés les uns que les autres. Il y a Paul Paulo qui se parle à lui même par messages téléphoniques interposés, Carole Pouillet connue pour être la vedette d’une publicité pour des madeleines mais que personne ne reconnaît vraiment et Suzanne, la voisine du dessus qui rêve de reconquérir l’homme de sa vie parti depuis bien longtemps. Tout ce petit monde s’ennuie allégrement au rythme de quelques chansons, quelques pas de danse, mais rien n’arrive à lier leurs existences, leur solitude ancrée dans leur corps, dans leurs mœurs est plus forte.
Avec un humour mordant, absurde, le collectif » la faim du soir tard « s’empare d’un mal moderne qui empoisonne nos sociétés contemporaines, la solitude. À contre pied, nos six comédiens s’amusent de ces situations ubuesques où le manque de dialogue, l’absence de mots, de liens créent de petits malaises, de grandes frustrations. Loin de dresser un portait sombre de ces vies d’errance qui peuplent les grandes villes, il signe une farce noire, désopilante qui ravit et divertit. Tout aussi talentueux dans l’écriture ciselée, le jeu décalé que dans le chant pop et opératique, nos six artistes charment et ensorcèlent. Un moment de théâtre hors du temps totalement déjanté et terriblement drôle, un bijou d’absurdité à ne pas rater.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Mues, création du collectif la faim du soir tard
Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple
75011
Jusqu’au 30 avril 2018
Les dimanches à 15h et les lundi à 19h
Durée 1h10
De et avec Agathe de Wispelaere, Jean Hostache, Loup-Franck Poblete, Juliet Doucet, Louise Buléon Kayser, Garance Silve
Dramaturgie Juliette Allemand
Scénographie Charlotte Arnaud
Création Lumière Vincent Thuleau
Administration Juliette Bones et Lucie Skouratko